Dans la rediffusion du jour d’Alerte à Malibu, on a pu assister à un de ces moments d’anthologie qui font qu’on est content d’avoir glandé tous ses samedi après-midi devant la télé, plutôt qu’aller voir le frangin jouer son match de Handball contre Vélizy. De ces moments dont on ne se délecte vraiment qu’en ayant la profondeur culturelle et temporelle nécessaire pour comprendre. Comprendre quoi? Que les scénaristes de la série ne pouvaient survivre en créant cette bouse qu’avec une dose d’acides capable d’atrophier les facultés motrices d’un mammouth.
Je m’explique.
Dans l’épisode du jour, donc, saison 4* :
Logan (le “bien charpenté” d’après ma soeur, je la crois, elle avait 16 ans au moment de la première diffusion, et elle était déjà blonde en plus) et Stéphanie (la moche**) se sont attirés la haine d’un très très méchant qui est atteint d’une double centuple personnalité. Ils déconnent pas avec les méchants les scénaristes : à Baywatch Prod., quand ils créent un méchant, il est vraiment très très pas bien. D’ailleurs, c’est pas que les gens soient foncièrement mauvais à la base. C’est juste qu’ils sont fous. Donc hors du corps social, c’est bon pour le message, j’espère que vous y êtes. Alors on a soit le méchant vilain, celui qui commet un méfait et se barre en ayant un rire sardonique (un peu comme dans la VF de Nicky Larson), soit le méchant bouffon, celui qu’on démasque vite, mais qui du coup donne lieu à des sortes d’exercices de style. Et ça, l’exercice de style dans une série mauvaise… C’est-à-dire que là, le méchant ne parlait qu’en citations de films, façon interview d’Yves Lecoq à NPA. Crispant. Dans un fantasme inassouvi, Caroline (Yasmine, la nana qui court bien) imagine qu’elle, sa soeur (la moche) et C.J. (Pamela, la nana qui flotte bien) sont en fait les Drôles de Dames, aka Jill, Kelly et Sabrina. Quand une série de playmates rencontre une autre série de playmates… deuxième exercice de style (et maintien du scepticisme : l’exercice de style dans une série mauvaise…)
Ca me rappelle la fois où la série s’était auto-parodiée avec une mise en abyme d’une subtilité toute relative : un producteur véreux de Hollywood se promène à Venice Beach et observe ébahi Mitch et ses amis sauver tout plein de monde de la noyade. Il décide d’en faire une série. Or qui dit “mise à l’écran”, dit “glamorisation”, c’est l’évidence même, alors on travestit la réalité. Rappelons que la réalité de référence, ici, C’EST Alerte à Malibu. Bref, là où ça chie, c’est que finalement, on voyait assez peu la différence entre le supposé réel et le supposé fictif. A moins d’avoir voulu nous véhiculer un message du type “on peut encore faire pire”, mais là, c’était limite programmatique des 5 saisons à venir. Pour accentuer la caricature, nos scénaristes avaient même poussé le vice jusqu’à rendre, dans cet épisode uniquement, la vie des sauveteurs de Malibu un peu plus réelle à base de “eux aussi, ils vont pisser entre deux plongeons dans le Pacifique, comme des vrais gens de la vraie vie” (c’est mal si à ce stade de ma démonstration je vous dis que j’adore pisser dans la mer?).
Eh bien pour le Celebrity Deathmatch “Charlie’s Angels vs. Baywatch”, les scénaristes ont usé du même stratagème. Après tout, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs soupes, n’est-ce pas. Ainsi, pour accentuer le décalage C.J./Jill Munroe, ils ont mis un poulpe mort en lieu et place de cheveux sur la tête de Pamela Anderson quand elle joue C.J., la vraie fille de la vraie vie qui se fait vraiment des journées de boulot atroces (pires qu’une femme de ménage mexicaine), pour maintenir une illusion de négligé, donc. Notons que cet effort -louable- est complètement sabordé par la perfection de brillance brunette qu’est la chevelure de Yasmine Bleeth (rappelons qu’un sauveteur en mer, surtout à Malibu, doit aller tous les jours dans la mer, sauver d’une noyade terrifiante un surfeur/une enfant/un jeune inconscient qui a trop bu, et que le sel a rarement engendré le cheveu soyeux, en tous cas pas chez moi). Bref. Du coup, quand on voit Pamela Anderson singer Farrah Fawcett et son brushing sur rouleaux (qu’on regrette avec amertume pour le coup), on se dit “ah nan mais trop pas pareil, trop kitsh, les drôles de dames”. Sont malins, hein? De son côté, Yasmine Bleeth serait un sosie de Jaclyn Smith, et enfin, Alexandra Paul (la moche) ressemblerait à s’y méprendre à Kate Jackson, aka Sabrina (la moche, elle aussi***). Et là, moment grandiose, nos sémillantes actrices se prennent au jeu de la parodie (sachant qu’elles n’ont pas précisément fait l’actor’s studio). Affublées de pantalons pates d’ef et de chemises col pelle à tarte, elles font face à leurs doubles des années 90, en ayant l’air de greluches qui ne pensent qu’à se remaquiller, à glousser comme des morues lorsqu’elles parlent à Charlie et à faire une moue dite “15 bucks a BJ” quand elles font mine de réfléchir. Histoire d’accentuer la charge superficielle de Charlie’s Angels et de dire que dépenaillées, elles sont carrément plus crédibles et plus au fait de la réalité de l’américain moyen. Là encore, faut-il y voir une mise en garde de type “on peut faire pire”?
Baywatch Angels, pouffes sur papier, 1996.
Je me suis demandé si à la limite, il n’y avait pas comme un “tribute to” dans la démarche, une filiation assumée, surtout quand on sait le parallélisme évident au niveau des affinités de Farrah Fawcett et des “sirènes” de Malibu avec Hugh Heffner… Une façon d’enraciner l’érotisme bon marché et tous publics dans un héritage télévisuel plus ancien, en somme. Après, je me suis demandé si j’en faisais pas un peu trop. La morale de l’histoire, au final, c’est qu’au-delà du rêve de Caroline, les vraies sirènes de Malibu parviennent à sauver Logan “bien charpenté” Fowler des griffes du méchant. Que la réalité est à la hauteur du fantasme, que même les métiers les plus anodins, les plus “dans l’ombre” (rappelez-vous le générique, I’ll be Ready****) recèlent une part d’héroïsme. Et que nos rêves, il ne tient qu’à nous de les sublimer pour les réaliser. Car oui, même si c’est pas la première chose qu’on remarque, Alerte à Malibu, en fait, c’est la série la plus moralisatrice du monde.
Voilà.
Sous acides, je vous dis.
C’était un moment alarmant et surréaliste pour moi, et je voulais vous le faire partager. Sinon, j’aurais voulu ajouter que ces visionnages de brushings terrifiants m’ont fait prendre conscience 1/du danger encouru par mes cheveux si je faisais pas vite quelque chose, 2/que mes ambitions de permanente méritent un deuxième examen. Par ailleurs, je voulais dire que le gommage pour le corps Caudalie est une bénédiction. Il est même mieux que la gamme raisin rouge de l’Occitane. Enfin, j’aurais aimé finir en disant, au risque d’avoir l’air un brin obsessionnelle, que j’ai tenté les chewing-gum menthe fraîche cette fois-ci. Et ça me donne quand même la gerbe. Je suis inquiète pour mon métabolisme.
Maintenant, comme j’ai pas mal élucubré, et qu’il est mine de rien bien tard dans la nuit, j’ai envie de paraphraser notre bien aimé VGE en 1981 :
“Au revoir.”
*après la période Erika Eleniak, mais avant la période Carmen Electra/Traci Bingham/Donna d’Errico, pendant le règne de Pam, à l’époque où son crédit générique a pris une sobriété inversement proportionnelle à son décolleté, en passant de Pamela Denise Anderson à Pamela Lee.
** selon les critères consacrés par la série, à savoir le taux de remplissage du maillot de bain. Or, et c’est bien connu, plus le maillot de bain est une pièce, et plus les seins sont naturels, plus ces derniers sont aplatis par le premier. De plus, plus les cheveux sont courts, moins ils ont de chances d’être au vent. Dans un pays très à cheval sur les quotas, il fallait quelqu’un pour faire la “moche intelligente”. Ils ont donc pris une jolie gourde. Mais à côté des autres, c’est vrai qu’on jurerait voir Einstein.
***voir note précédente
****Some people stand in the darkness, afraid to step intooooo the light, pour les inexacts yaourtophiles qui nous lisent (et ils sont nombreux j’en suis sûre). Notons que le texte du générique est sans doute la première preuve d’humour profond des concepteurs de la série.