Putain, n’empêche, t’as vu tous les trucs qu’y a sur un mur?? C’est ouf. Sans mots, presque toute une histoire. C’est plusieurs histoires ramassées en quelques images et en quelques dédicaces.
KRS 1 est un MC vieux comme le Bronx. Le premier artiste hip hop décoré par la ville de New York, il a même un parc à son nom. Un de ceux qu’on peut qualifier d’Old School, sans trop y risquer sa chemise. Un mural qui lui rend hommage, somme toute, pourquoi pas.
Le nom n’est pas isolé. Le MC est associé à plusieurs symboles. Le soundsystem radiocassette (la musique), les bombes aérosol (le graff), le danseur (le break), les baskets (le style). Et puis t’as le peace and love, associé au slogan “Love, Unity and Having Fun”, qui donne son contenu éthique de non-violence au mouvement. En fait, ça rejoint le discours originel du hip hop, qui se voulait beaucoup plus une éthique et un mode de vie style “paix sociale et non-violence”, notamment à travers les figures d’Afrika Bambaataa et de KRS one (ouais, un état d’esprit en somme, un peu comme le fonk chez Alliance Ethnik… pardon, je m’égare).
Sous des dehors, “on rend hommage à un artiste, on est des nice people”, en fait c’est tout un courant culturel qui est mis en valeur, mais en plus dans sa version un peu old school, ou du moins inscrite dans la temporalité avec le mec (KRS-one) et eux, les graffeurs, les Tats Cru, parce qu’ils sont sur la suite du mural. C’est un véritable récit du hip hop qui est fait ici, récit qui replace le mouvement dans sa durée (20 years etc., et le MC lui-même). En fait, ce mural, c’est un genre de définition. Car ce que le cadrage de la photo – artisanale – honte à l’artisan – mais bon, ça va pour cette fois – ne montre pas, c’est que juste en-dessous du soundsystem radiocassette est inscrit “THIS IS HIP HOP” en lettres orange.
Donc voilà, je tenais à partager cette vision du hip hop car elle est en fort décalage avec l’idée reçue d’aujourd’hui, violente et agressive, qui circule dans les milieux qui “écoutent de tout sauf du rap“, alors qu’il en existe des discours concurrents, dès les débuts du mouvement, back in the eighties. Et parce que les éléments éthiques du premier hip hop c’est un truc assez fort, dans la lignée des premiers mouvements revendicatifs politiques. L’idée qui germe à New York était précisément de déplacer la guerre des gangs dans un affrontement artistique.
Avouez que c’est pas Kamel Ouali qui ferait des mises en scène de cette tenue… Avouez aussi que vous êtes complètement trop trop fan des chandails rose et vert.
Ceci étant, le problème de ce discours, c’est qu’il s’agit d’un récit du hip hop, tel que revendiqué par KRS one, mais aussi par Afrika Bambaataa : le hip hop comme culture (Mcing, Djing, Breaking…), les origines jamaïcaines (la block party), la dimension politique (en gros paix sociale et progressisme). Mais au-delà de ce récit des origines, d’autres aspects ont été mis de côté, parmi lesquels les influences disco (je cite mon informateur: “mais où sont les combinaisons dorées moulax à la connotation super gay?) et punk (genre les Beastie Boys) du hip hop, et il est impressionnant de voir à quel point ce récit des origines est désormais celui qui reste.
Le deuxième souci vient des auteurs de la fresque. En effet, et toujours d’après mes sources, la paix soit avec eux, le Tats Cru appartiennent au Crew de Fat Joe (sans doute parce que Joe est un peu bas de poitrine, je vous ai dit que le hip hop c’était vachement visuel?), et se veulent moins engagés et plus violents. D’un coup, l’alliance du Tats Cru et de KRS one surprend. Ca permet toujours de comprendre tout le jeu de symboles, genre ils mettent en scène autour du nom du gars SON discours à lui du hip hop, SON “this is hip hop“. Quant à eux dans le mural, à part une revendication de durée et de newyorkité, les amis, j’vois pas…
Ceci étant, c’est peut-être cette même dimension consensuelle du hip hop qui permet à un mec comme 50 Cent de saluer la performance de Britney Spears aux Video Music Awards l’autre jour. Nan parce que sinon, je ne vois pas vraiment d’autre explication. Même Rihanna bitchait sur elle sans se planquer.
Hum, bref. Revenons aux auteurs du mural…