Moi quand on me dit “transexuel”, j’ai tendance à penser Dana International. Ou alors la connasse du Queen à voix de robot qui voulait pas me donner de sucette. Culture GLB&T à mort, en somme.
C’était avant… ça. Ca fait 10 jours qu’on en parle, maintenant, voici la photo, dévoilée chez Oprah avant-hier.
Surprenante Madonne, n’est-ce pas?
Voici Thomas Beatie. Il est marié depuis 5 ans, et avec son épouse, Nancy, ils cherchent à avoir un enfant. Cependant, Madame ne peut pas avoir d’enfant. C’est donc Monsieur qui joue le rôle du “père porteur”. Après Schwarzie dans un film tout à fait oubliable des années 1990 (Junior, pour ne pas le citer), Beatie réussit le double exploit de faire un remake plus réussi que le film d’origine et d’être le premier homme enceint de l’Histoire. Il faut dire que tous les moyens de promotion ont été mobilisés. Marketing viral sur le net depuis le 25 mars, talk show chez Oprah Winfrey, scandale éthique dans les médias, dérapage de Letterman (a scandalous freak show), interview exclusive d’une bonne heure, affiche du film artistiquement mise en scène…
Le synopsis : Thomas était autrefois Tracy, fille élevée à Hawaï par un père célibataire après la mort de sa mère. Quand Thomas était Tracy, c’était une Miss, une dauphine de Miss Hawaï. Belle meuf, quoi. D’ailleurs, quand on montre à Thomas des photos de Tracy, il reconnaît que c’est une belle femme, et qu’il aurait pu se trouver très belle à l’époque… si ça avait été quelqu’un d’autre. A partir de 22 ans, elle commence à se sentir plus à l’aise avec les filles, et à adopter une démarche masculine. Question à 2 dollars d’Oprah: pourquoi ne pas simplement avoir pris des vêtements d’homme et être devenue goudou?
C’est là que ça devient intéressant. Thomas/Tracy revendique le rôle social d’un homme, il ne s’agit pas simplement d’une préférence sexuelle. Tracy voulait être reconnue comme un homme hétéro dans la rue et pas comme une femme lesbo. Du coup, j’ai enfin compris ce qu’il y avait derrière le discours de “l’erreur à la naissance” ou derrière la rhétorique du “je suis dans le mauvais corps, je me sentirai plus naturel(le) une fois l’opération de changement de sexe menée à bien”. Au-delà de la sexualité, c’est la question de l’être social qui est en jeu. Tracy devient Thomas, se range dans une vie d’homme marié de l’Ohio et veut avoir des enfants avec sa femme. Ayant conservé son utérus, il propose de porter son futur enfant.
L’histoire a tout pour être racoleuse à mort, et pourtant… Thomas n’est pas revendicatif, il est assez touchant. Il y a comme un sentiment d’état de grâce qui plane autour de ce personnage. Le plus surprenant, c’est sans doute le naturel avec lequel on peut parler de Thomas au masculin, même alors qu’il entame son sixième mois de grossesse. Lors de sa venue chez Oprah, ce ne sont ni les quolibets, ni les hourra qui l’ont accueilli, mais un public silencieux, sidéré et visiblement très ému par cette histoire. Bref, on l’aura compris, c’est moins de GLB&T qu’il s’agit que d’une bonne vieille culture white trash des familles, de ce que l’Amérique peut nous offrir de mieux et rien que pour ça, on aime.
C’était la love-story du jour, proposée par Tom Beatie. Bye bye, les mouettes.