(copyright Paris Match, mais franchement, y avait pas meilleur titre, je pense)
Avedon au Jeu de Paume… C’est jusqu’au 27 Septembre, profite.
Une file de 50 mètres… forcément, un photographe estampillé “Harper’s Bazaar et Vogue“, ça fait rêver. Si je te dis qu’en plus, c’est lui qui inspire le personnage joué par Fred Astaire dans Funny Face, carrément, tu imagines la greluche se ruer place de la Concorde en moins temps qu’il n’en faut pour le dire. Je suis une greluche. Et je me rue pas mal, j’avoue.
Boh, moi en vrai, j’y allais parce que j’aimais bien la couv’ des Beatles pour Look.
Alors au niveau de l’intertexte, c’est pas tout à fait le même imaginaire qui est mobilisé, mais on avouera que ça reste un peu le même combat. La blagouse, c’est que les Beatles, ils y sont vite fait, dans l’expo, même pas avec ce cliché. L’intérêt résidant principalement dans le regard de Paul, en totale dissonance avec celui de ses “copains” (le guillemet vaut surtout pour John, on l’aura compris).
Au final, la partie photo de mode est la moins importante, et c’est tant mieux. Certes, c’est une étape nécessaire pour qu’Avedon ait sa petite street cred’ en quelque sorte. Son truc en plus : il donne du mouvement et naturalise la photographie de mode… on ne parlera pas de réalisme, car je vois difficilement une demoiselle en toilette Balmain se promener au milieu de forains crypto-lépreux dans un faubourg louche de Paris, mais l’idée est réjouissante, crée du décalage, on voit qu’il sait composer, prendre une photo, bref, l’objectif est atteint.
De fait, la rétrospective Avedon est surtout une formidable occasion de nous présenter un portraitiste hors pair. Selon les termes du photographe lui-même :
“Un portrait n’est pas une ressemblance. Dès lors qu’une émotion ou qu’un fait est traduit en photo, il cesse d’être un fait pour devenir une opinion. L’inexactitude n’existe pas en photographie. Toutes les photos sont exactes. Aucune d’elles n’est la vérité.”
(Note, au passage, que dès qu’un mec dit qu’il n’y a pas de vérité, moi ça me rend toute pomme de terre)
Tous les “grands de ce monde” y sont passés, tous suivant le même protocole. Avedon se rend à leur domicile/au studio (je me rappelle plus bien), il portraitise devant un fond blanc du genre neutre, et le modèle prend la pose qui lui plait, dans l’accoutrement qui lui plaît. Le titre de l’œuvre est en général le nom de la personne, sa fonction, la date de la photographie, démontrant ainsi la portée du cliché. C’est du hic et nunc, mais le trouble est entretenu sur le discours : est-ce qu’on voit une personne, ou bien une personnalité ? Le résultat est une interaction totale entre le modèle et le photographe. Il en ressort des aspects insoupçonnés des sujets photographiés, un joyeux bordel contrasté de plein de gens qu’on (re)découvre sous un jour nouveau. En fait, ce genre de Hall of Fame que nous propose Avedon, c’est un festival d’attitudes, dont certaines sont devenues des images d’Epinal des sujets représentés. D’autres sont plus inattendues, et nous révèlent un personnage connu sous un jour nouveau. D’autres enfin, sont tellement typiques (du moins c’est ce qu’on se dit en les voyant).
Exemplifions, légendons:
Marilyn, ou peut-être Norma Jean (le doute reste entier)
Pour l’anecdote, Kissinger craignait qu’Avedon ne cherche à le représenter sous un angle négatif (rapport que le Vietnam, c’était un peu controversé, par exemple). Avedon lui a dit de se mettre à l’aise, de se rendre lui même sympathique… Ouais…
Le clou de l’exposition reste la fin de son œuvre, avec des portraits de péquenots des Etats de l’ouest, une série intitulée “In the American West“. Entre 1979 et 1984, à l’époque où le rêve américain incarné par John Wayne était largement éteint, Avedon redonne une nouvelle identité à l’Ouest, une nouvelle image à la population de cette région de l’Amérique : les cowboys, cocottes et pionniers de l’Ouest sont remplacés par des mineurs, filles-mères et chômeurs. Je caricature un brin, mais l’idée est là : aux mythes de l’ouest, il substitue les métiers de l’ouest. Y en a qui ont pas aimé. Ils ont dit “Avedon, il tue l’Amérique”, ou encore “Avedon, il montre des gens moches et pauvres”. Pourtant, ce qui transparaît dans cette entreprise, c’est la faculté qu’avait Avedon à être fasciné par l’apparence physique. Pour lui, faire un portrait revenait à tenir un discours. Et dans certains de ces modèles, il voyait des livres entiers, ou des pans entiers de l’art occidental.
Portraits qui défoncent.
Source: Richard Avedon, In the American West, 1979-1984
Je sais pas, mais quelqu’un qui est fasciné par les gens et qui les trouve beaux, je trouve que c’est un type bien. Ajoute à ça que lui-même, il dégage pas mal, et tu sais ce qu’il te reste à faire : Jeu de Paume ce week-end. M’offrir le bouquin rétrospectif à Noël, aussi…