Woody Allen, Michael Jackson et le cynisme

La fin de Michael Jackson vire au nasty: ses enfants ne sont pas ses enfants, camé aux antidouleur, ferveur hyperbolique, ras-le-bol généralisé… Pourtant, la mort de Michael Jackson, c’est aussi l’occasion de manifestations populaires joyeuses. C’est avant tout une célébration de sa musique et l’occasion de redécouvrir sa carrière. Le gros son hip-hopeux saturé est remplacé par des standards des Jackson 5 et autres Off the Wall dans les voitures qui passent à fond dans les rues de Bed Stuy, à Brooklyn, les boutiques arborent une petite bannière RIP MJ, l’Apollo organise une soirée hommage ce soir dans Harlem. L’autre soir, à l’Angelika (cinéma arty de SoHo), la playlist du café était à peu près la même que partout. Il était touchant de voir les clients  snobs de ce cinéma select se trémousser gentillettement au son de Thriller.

Pour moi, la ferveur des gens n’a rien de suspect. Certes, il y a un mouvement de masse, mais les gens ne seraient pas aussi unanimes dans le vide. Quand une voiture passe avec à fond le riff d’Eddy van Halen sur Beat It, ça me met le sourire, et je suis plutôt ravie à l’idée que tous les passants auront la même réaction. C’était ce que je pensais avant le début du dernier Woody Allen, heureuse d’attendre mon film au son de MJ, et un brin agacée par tous ces pisse-froid qui ne comprennent pas qu’une émotion n’est pas nécessairement mauvaise parce qu’elle est très largement partagée.

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C’est ce que je pensais en sortant du dernier Woody Allen, aussi. C’est vrai, le film n’est pas fou. Il y a certes Henry Cavill, et ça vaut les 12,5$ de la place (même pour les 10 ridicules minutes où il apparaît dans le film, il n’est jamais que le plus bel homme du monde). A part ça, c’est le retour de Woody Allen à New York, et on vit entre Chinatown, SoHo et le Village pendant 1h30. L’histoire est un peu trop légère, pas toujours attachante et n’est pas avare de clichés. Le jeu des acteurs est discutable (mais j’ai toute une théorie sur le rapport de Woody Allen au  “jeu” d’acteur: ce mec est anti-Actor’s Studio, en fait, il veut montrer que les gens jouent un rôle). Cela étant, le message anti-cynique de Woody Allen m’a bien plu; il me renvoyait curieusement aux réactions à la mort de Michael Jackson. A la fin du film, tout le monde est heureux et célèbre le Nouvel An dans la bonne humeur. Alors même qu’il méprisait toutes les célébrations populaires jusqu’ici, le héros, cynique repenti se prend à penser que,  si ça rend les gens heureux, après tout, aucun mal n’est fait. Whatever Works en shakespearien (“Tant que ça marche”, en molièrien). Ca c’est cool (genre ouais).

Je valide complètement ce genre d’idée. Pour moi, le cynisme, c’est très années 2000. Has been, quoi. Il faut aussi savoir profiter au premier degré de ce qui se passe autour de nous. C’est profondément anti-parisien, anti-français, comme attitude. En France, il est de bon ton de conserver une “distance critique”, de trouver suspect tout émoi populaire, de ne pas aimer la St Valentin, de râler sur les vacanciers heureux d’être à la plage alors qu’elle est bondée, et j’en passe. J’appelle ça le syndrome St Valentin. Mais quel est le but de se gâcher une journée en bitchant sur le reste du monde parce que c’est la St Valentin et que c’est nul? Et pour revenir à Michael Jackson, pourquoi en vouloir aux gens d’être émus? Derrière cette crise cardiaque, c’est l’aboutissement de près de 30 ans d’autodestruction, c’est la mort d’un homme qui faisait énormément de peine en même temps qu’il a fasciné et fait rêver, et c’est la mort d’une partie de l’enfance et de l’adolescence de la majorité de la population mondiale. C’est aussi la mort d’un entertainer comme il n’en a jamais existé et comme il n’en existe plus maintenant, d’un monument de la culture afro-américaine, et de la culture pop de 3 décennies, MTV lui doit tout, alors sincèrement, pourquoi le bouder?

2 thoughts on “Woody Allen, Michael Jackson et le cynisme

  1. Salut Virginie!

    J’ignorais que tu avais un blog… je vois que tu te défends bien en tout cas: c’est très bien écrit!

    Je suis parfaitement d’accord avec ce que tu as écrit dans cette article! En lisant les commentaires du Monde en marge des articles sur la mort du King of the Pop, j’ai ressenti beaucoup de colère face à cette distance que tu décris (et qui s’accompagnait en l’occurence d’une violence verbale gratuite et inutile). Je fais le même constat: c’est très franco-français. Toujours critiquer, toujours se méfier de ce qui est populaire, éviter de ressentir les choses, juger sans arrêt, hiérarchiser. Avec ce terme “démagogie” qu’on met à toute les sauces. J’ai parfois l’impression que les gens font cela pour paraître de grands intellectuels stoïques. Mais est-ce le cas?

    En tout cas, oui, pour notre génération, je pense que sa mort est une perte immense. Peut-être pas personnelle, ce serait indécent, mais il représentait un vrai symbole. Il ne me semble pas anormal – et cela me paraît sain même – de vouloir partager ostensiblement cette culture commune…

    • Merci pour ton commentaire!!!!
      Mon blog, c’est une vieille chose qui remonte à fin 2005, maintenant (avec changements de plateforme et de nom, of course)! En un temps, j’avais pas mal de lecteurs, maintenant, c’est surtout pour moi, en vrai…
      Je suis contente que tu partages mon avis, au moment de sa mort, l’émotion avait vraiment qqch de touchant à NY, mais le genre touchant à base de nostalgie doucereuse, et c’était cool!!! (si en plus c’est un pro de la musique qui le dit ;))

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