Ce post va être vachement multimédia – épuisant à lire.
En juillet dernier, je me rappelle avoir été excitée comme une puce devant Bercy. The Circus starring Britney Spears, c’était LE concert que j’attendais depuis… pfiou, cette époque, quand je pensais qu’elle était sur le chemin nécessaire menant au suicide. Depuis, je m’étais promis que si elle remontait la pente, je serais la première à entrer dans la danse. Et j’étais avec Gwen, de surcroît, et Gyom était quelque part dans la fosse. Un vrai truc chouette en perspective. Seulement voilà, on va pas se mentir, comme disait Valéry Zeitoun (ce Simon Cowell made in France): c’était super décevant. On était contents de s’éclater sur Gimme More et Toxic, mais en vrai, on était loin de la scène, on la voyait en miniature, elle a pas chanté et elle dansait pas très bien. Fall from grace – certes on s’y attendait mais un léger goût amer de s’être fait voler. S’y ajoute une totale non-interaction avec le public, bref, Britney était une contractuelle là pour faire (pas très bien) son boulot. Le lendemain, un rendez-vous avec un pote à Opéra (on a pas des goûts nazes, c’est qu’il bosse à Garnier) m’emmenait du côté du boulevard de la Madeleine et en passant devant l’Olympia, j’ai vu quelques groupes d’ados faire un sit-in devant la salle pour attendre un concert. C’était pour Lady Gaga. Bon sang mais c’est bien sûr, j’ai pensé. L’événement pop du mois de juillet à Paris, en vérité, c’est ça. Tout le monde s’était enflammé sur Britney et cette date était passée quasi-inaperçue: bref, on avait rien compris.
Interlude arty
Eh ben les mecs, l’erreur, je l’ai corrigée il y a 3 jours, ça m’a coûté 5 fois plus cher que Britney mais je ne regrette pas le moindre quarter. Je pourrais parler pendant des heures de ce show, de Gaga elle-même, de ses cheveux jaunes fluos, de son éthos de Fée Clochette et de son humour décalé. Mais le post-compte-rendu est un exercice casse-gueule et j’ai pas envie de tomber dans les clichés mielleux de type “vrai spectacle, une artiste complète et généreuse” (boooring), c’est pas les Inrocks, ici.
Je me contenterai de modestement saluer la justesse de mon analyse d’il y a quelques mois, sur la façon dont Gaga crée le consensus via le paradigme de l’art contemporain. Les interludes lors des changements de costumes étaient assez formidables, et inscrivaient résolument le spectacle dans le registre de l’installation artistique.
D’une manière générale, l’ensemble du show s’inscrivait dans ce registre, et ces vidéos créaient un décalage particulièrement efficace avec les rengaines très pop. Ça donnait à ces sonorités très europop/eurodance une saveur d’avant-garde assez réjouissante et plutôt unique aux États-Unis.* Ce qui m’amène à la question suivante: Lady Gaga représente-t-elle le renouveau de la scène disco-pop new-yorkaise?
Si on regarde les dernières années, New York, sa musique, ses artistes, c’est, à ma gauche Jay-Z, à ma droite, le rock chiant et dépressif inspiré des Smiths (la scène brooklynite, quoi – en vrai c’est pas mal, mais juste… c’est un peu chiant et déprimant). On est loin des derniers jours du Disco ou de l’époque Blondie. Et voilà cette Stefani Germanotta qui se présente au RCMH comme une Jenny from the block, devant un public qui n’était que trop content d’avoir ça en commun avec elle.
Le public, justement, était assez surprenant au premier abord. Niveau streetstyle, c’était la montée des marches meets le Studio 54. Quand les filles ne se déguisaient pas en Gaga herself (quitte à recycler leur costume d’Halloween), elles sortaient leurs tenues les plus extravagantes. Tout n’était que sequins, lamé, plumes, dentelles, bustiers et maquillage outrancier. Les hommes aussi s’en donnaient à cœur joie.
Vise un peu ce freakshow, avec un big-up 1/aux deux Lady Gaga version Just Dance et 2/à la gamine dont le teesh faisait une robe. Outre l’affinité évidente entre aimer Gaga et fréquenter Topshop, on voit dans chaque tentative de déguisement une démarche assez différente. Certains jouaient la carte de la fan-club attitude, d’autres en profitaient pour donner libre cours à des pulsions vestimentaires inavouables. Tout ça ne doit cependant pas éclipser un élément évident: il y avait de tout dans ce public. Des familles, des jeunes en bande, des retraités (!!), des pouffes, des pétassons, des trav’, des Jersey boys (qui sortaient de la demi-finale des Jets), des buveurs de bière, des bourges (surtout des bourges, vu le prix des places au marché noir), des punks, des modeux, des white-trashs… Une vraie synthèse manhattanite en quelque sorte (faute de pognon, Brooklyn était un brin sous-représenté). Certains venaient assister à l’éclosion d’un mythe pop, alors que d’autres venaient voir la consécration d’une artiste locale, quoiqu’un peu aigris d’être dépossédés de leur bébé.
Dans ce joyeux bordel éclectique, le point commun, c’était donc New York et Gaga a joué de cette corde. Alors évidemment, elle a grandi à Yonkers, mais en vrai, elle est née à Manhattan et c’est ça qui compte, nous dit-elle (pour info, Yonkers, c’est à peu près comme dire qu’on vient de Bondy – on préfère dire qu’on vient de Paris, dans ces cas-là). Et c’était grandiose: l’italo-américaine de Yonkers-but-really-Manhattan, elle nous a tous fait comprendre qu’on était part of it, qu’on faisait partie de ce qu’elle créait, de ce renouveau de la pop dansante et disco à New York – une pop qui plaît aux gens qui vont au New Museum ou au PS1, mais aussi une pop qui plaît aux gens qui colonisent le Lower East Side le samedi soir.
En une soirée, cette petite italo-américaine aux cheveux jaunes fluos et son spectacle hallucinant d’efficacité, elle nous a tous rendus new-yorkais et vachement fiers de l’être.
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* EDIT: j’ajoute à ce sujet qu’après avoir débattu avec Clément de la teneur parodique d’Alejandro, j’en suis venue à la conclusion suivante: ce n’est ni Shakira (sa position) ni Dalida (la mienne) qui sont visées, mais Ace of Base (et un peu ABBA aussi) C’était tellement évident pourtant.
ta façon de le raconter, ça me fait rever, et pester de n’en avoir pas été…
Waouuu, franchement, à la base, je ne suis absolument pas un fan de Lady Gaga (j’ai rien contre elle non plus hein, on est d’accord…) mais c’est vrai que ça donne carrément envie !
Je vais m’y intéresser un peu plus du coup !
flou & Jiache – merci à vous, je suis contente de vous avoir donné envie :)
C’est con que j’ai que des potes trop nazes pour Reconnaitre la puissance avant-gardiste de Lady Gaga, mais si ce n’était le prix, c’est un concert que je feras dans ma vie. Bordel, et demain je vais aller voir The Casualties, c’est finalement bien moins rock n’roll…
ahah! Y avait cette expo au Brooklyn Museum intitulée “Who Shot Rock & Roll” sur les photos de rock-star et en fait, le but n’était pas de montrer que des artistes faisant du rock, mais vraiment des personnalités “rock’n roll”, c’était cool. Lady Gaga est-elle rock’n roll? en voilà une belle question.
Déjà, elle est disco, et c’est énorme en soi!
Lady Gaga, j’en pensais rien, avant. Ou plutôt si, j’en pensais du mal. Du style “y’en a marre des pouffes (Yelle et autres Mika, tu vois le genre) qui chantent n’imp sur de la musique mal conçue sur des ordis”.
Et puis j’ai regardé une fois Taratata. Où elle était. Et là, j’t’avoue que j’ai été bluffé comme rarement. Un drôlerie, un sens de l’auto-dérision à mourir, une vraie “performeuse” qui sait jouer (admirablement bien) du piano et fait ce qu’elle veux de sa voix, et finalement, sa musique, on s’en fout un peu. Parceque c’est le pestacle qui compte, et elle le fait superbement.
Ah, et puis je suis (presque) pas d’accord avec toi sur le rock New-yorkais, mais je sens que je vais être trop vite à court d’arguments pour lancer un débat.
Enfin, anecdote inutile, j’avais été voir Arcade Fire au Radio-City Music Hall, et le lieu fait pour beaucoup dans le grandiose d’un spectacle (en plus du groupe, génial en lui-même)…(anecdote qui, finalement, peu faire sens)(ou pas)
Pendant son concert, elle parlait beaucoup (après Britney qui lâche pas un mot, c’est COOL) et en effet, c’était très humoristique et bourré de références à la con. Le plus fun étant quand elle a dit qu’elle aimait penser qu’elle était comme Tinkerbell – pour ceux qui ont pas lu Peter Pan, une fée meurt si on ne croît pas en elle et pour la ramener à la vie, il faut applaudir très fort…. mignon, non? Et puis elle y est allée de quelques anecdotes décalées sur ses “little monsters” (ses fans) et bon, c’est dans ces cas-là que je pensais des trucs niais de type “quelle belle âme…”
Quant à la vidéo de Taratata, elle va aussi dans ce sens, tu vois que c’est qqn qui de la ressource, et qui fait de la pop à caractère visuel par choix et que c’est un putain de bon choix, bien foutu et bien pensé. A un moment, une vidéo d’elle en piano-voix à NYU circulait. Tu voyais qu’elle chantait très bien. Le commentateur du show avait terminé par un “Norah Jones, beware”. Eh ben je me dis qu’on l’a échappé belle, elle aurait pu devenir une artiste piano/voix chiante. Alors son Just Dance ou son Poker Face, quand je les vois, je me dis juste Wow…
Pour le rock brooklynite, en vrai, j’aime assez, c’est cool quand ça passe dans un coffee shop et que tu bosses, mais dans le fond, c’est quand même un peu l’ennui, j’en démords pas. Je suis allée voir Clap Your Hands and say Yeah, Chairlift, Band of Horses, et je voulais essayer de choper MGMT, ah et j’ai aussi vu Kymia Dawson à Paris, dans la partie un peu plus folkeuse…. Kymia Dawson c’était ridicule. Les autres, c’était pas nul, mais sans intérêt (du moins en concert). Quant à la musique en soi, au final, peut-être est-ce dû à l’overdose Williamsburg, mais je trouve que ça se la pète beaucoup pour pas grand-chose (le syndrôme Nick and Norah’s Infinite Playlist, je dirais) donc à terme, c’est pas nul du tout, mais c’est lassant.
Pour le RCMH, je trouve en effet que c’est une chance. C’est vraiment un lieu magnifique, je l’avais jamais vu avant, j’étais épatée! En plus, compte tenu de la taille de la salle, tu imagines bien qu’on profite du spectacle genre 2000 fois plus que si ça avait été au Madison Square Garden. Bref, c’est un cool endroit. C’est marrant, je crois que Clément ou Gyom est allé voir Arcade Fire au RCMH – je sais plus qui, ça m’échappe.
yeah, super post! et ouais, ça donne achement envie d’y être allé…
Ce que je trouve vraiment super, c’est ces photos du public que tu as faites et le délire vestimentaire qu’on voit ici, j’aime bien les deux mecs.
Et le pire, c’est que au début j’étais timide de la photo, donc j’en ai pas trop pris, c’est surtout à la fin, je me suis lâchée, c’était grisant, d’aller voir les gens leur demander. Au début, tu te dis que c’est abusé, puis tu réfléchis et tu te rends compte que leur déguisement, c’était précisément dans le but qu’on les arrête pour les photographier! Les interactions avec ces gens étaient assez cools en général.
Bref, au final, ces photos c’est qu’une infime partie émergée de l’iceberg – y avait vraiment beaucoup de gens qui s’étaient éclatés, des nanas en bikini-bondage, et compagnie, c’était drôle! Les deux mecs sont cools, et le détail qui tue, c’est que celui qui a la gueule en argenté, eh ben sa chemise c’est une chemise des Yankees, je crois bien, huhu :)
L’autre truc drôle, c’est que je leur ai dit un truc à la con genre “wow, that’s a cool outfit, you guys look great” et il m’a répondu un “thank you” avec une voix de baryton qui collait pas du tout avec ses talons aiguille, ça m’a fait sourire
Yeah ! Je viens de regarder les vidéos de Taratata, elles sont cool. Moi j’aime bien son talent pour la scène, pour les visuels et pour créer ses personnages et aussi je trouve qu’elle joue très bien sur les registres du luxe et de la hype tout en étant une artiste populaire. Elle est jet set mais pas prétentieuse, un peu.
Et sinon, je suis déçue d’apprendre que Kymia Dawson c’était nul, parce que je l’aime bien quand même. Le fait qu’en réalité elle ne sait pas du tout chanter, ça devient un peu gênant en concert ?
Et d’accord aussi sur le diagnotic du rock brooklynien, qu’est sympa mais lassant car très conformiste dans le genre, donc répétitif, et puis en fait pas de méga valeur artistique quand même, à part créer un genre de son sympa. Forcément, vu que les hipsters sont, pour ce que j’en ai retenu, des gens hyper cool et hyper conformistes, ben voilà, c’est logique.
Bah pour Kymia Dawson, c’était vraiment ridicule. Déjà elle est complètement socially awkward la pauvre (à la limite de l’autisme) mais surtout elle est dans le délire régressif complet. Pendant le concert elle chantait des chansons pour enfants et elle demandait au public de jouer avec ses mains. Mouais. On s’est cassé avant la fin…
Pour le rock brooklynite, bah ouais, au final, ça manque un peu de folie – alors que Gaga, ça en manque pas, eheh et effectivement, elle est pas prétentieuse – elle est vachement généreuse, en fait…
ahah, le concert de Kimya Dawson au Point Ephemère? J’y étais, j’ai bien aimé car je suis une fan et que j’avais suivi son délire de chansons enfantines sur son Myspace, mais les potes avec qui j’y étais étaient atterrés.
Et sinon à la base, je suis une brune à frange relou fan des Smiths et de Joy Division, mais ces derniers mois je me suis retrouvée à plusieurs reprises à défendre Lady Gaga. Je la trouve vraiment digne d’intérêt et j’ai passé des heures à regarder ses clips et ses vidéos. Ce que tu dis sur ce concert me confirment totalement ce que je sentais sur son intérêt pour l’art contemporain, mais aussi sur sa capacité à faire revivre un certain côté de la scène New Yorkaise de la Factory au Studio 54 au glitter et aux shows des New York Dolls.
Par contre, un truc que j’aimerais bien voir disparaître chez elle ce sont les chorés moisies hyper convenues typiques MTV. Ca me hérisse le poil (sauf la choré désarticulée au début de Bad Romance) Il y en avait au concert?
Oh non, Kymia Dawson, c’était y a genre 2 ans dans une salle près de République, avec Yaya Herman Düne en première partie (genre où la première partie était quelque chose comme 50 fois mieux que la 2e). Pour les chorégraphie, je recommande particulièrement celle de Just Dance, une des premières du concert, qui jouait totalement sur le côté désarticulé et déconne… Du coup c’était sympa. A titre personnel, je pourrais jamais reprocher à qqn d’avoir un style MTV, c’est trop un truc émotionnel pour moi, j’avoue…
non mais entendons nous bien les chorés MTV c’est chouette chez Britney, Christina et Justin. Voir Beyoncé.
Mais chez Lady Gaga c’est juste de l’eau au moulin de ceux qui disent qu’elle n’est rien de plus qu’un pouf blonde interchangeable.
Je ne suis pas vraiment d’accord. En ce qui me concerne, j’ai un rapport très premier degré à cette pop, et je pense que le côté choré MTV c’est plus que “chouette mais bon” ou pouffe interchangeable, c’est de l’entertainment pur et simple. Par principe, ça va pas très loin, mais c’est pas pour ça que c’est mal. Du reste, certains s’en sortent avec brio, d’autres sont moyens. Lady Gaga ne prétend au final pas vraiment révolutionner quoi que ce soit j’ai l’impression, elle veut faire de la pop, réinterpréter la pop, peut-être, mais rester dans les mêmes codes pour en proposer sa version. In fine, elle propose de l’entertainment hyper efficace et abouti et elle réussit haut la main. Elle n’innove pas vraiment par rapport à une Madonna première cuvée, mais rien que réussir à aller à ce niveau, aussi vite et de façon aussi impressionnante, c’est ça qui fait qu’elle a quelque chose. Donc je pense pas que sa partie chorégraphie soit à jeter à la poubelle, parce que c’est diablement efficace et elle a aussi réussi à imposer un style personnel dans ce domaine (le côté danse un peu désarticulée).
Je fulmine de pas pouvoir voir les Grammys ce soir…