Je vous racontais que l’autre jour au Castro, à San Francisco, il y avait cette soirée “she-roes” à laquelle j’ai assisté. La démarche de la soirée était d’amener le public à apprécier des films underrated ou considérés comme ringards avec un regard le plus candide possible. L’hôte de la soirée nous faisait une vraie apologie d’un regard “néo-sincère” et “post-ironique”. Alors au début, ça nous a tous fait sourire, ce jargon jargonisant pour nous dire qu’il y avait pas de honte à se bidonner sincèrement à une vanne de Jennifer’s Body (fait d’autant plus vérifié quand Diablo Cody est juste à 10 rangs derrière soi) ou à verser une larme devant un film un peu facilement cheesy des années 90 (en l’occurrence, A League of their Own). Mais en vrai, on était tous assez d’accord pour suivre ce crédo néo-sincère et post-ironique, celui où on regarde un film sans y afficher une démarche second degré, juste pour le plaisir de ressentir des émotions faciles, allant des larmes de crocodile aux gloussements adulescents, en repensant aux scènes qu’on recherchera frénétiquement sur Youtube pour se les repasser en boucle (bref, la démarche diamétralement opposée de ce que je décrivais là). Regarder un film pour se faire plaisir, pas pour la posture.
Depuis, mon Netflix a fumé, les loustics. Cette fois, c’était pas pour du streaming de The Hills et, dans ma quête du regard post-ironique et néo-sincère (et surtout, il faut bien le dire, dans mon défi de compléter ma culture teen 80s avant de quitter les Etats-Unis), je suis passée par The Karate Kid. Et c’était aussi cool que réussir une groooosse bulle de chewing-gum en écoutant une chanson de Cheap Trick.
J’ignorais qu’en fait c’était un film plutôt bien. Un remake teen de Rocky, certes, mais avec une efficacité indéniable, une histoire bien foutue et une jolie alchimie entre les acteurs (et surtout Pat Morita qui montre qu’en fait, la planète Terre aussi avait sa version de Yoda). Au-delà du film pour enfants à morale, on a une histoire drôle, touchante, et socialement intéressante Finalement, y a que le karaté qui est un peu raté dans ce film (non mais le crane kick? sérieusement? je veux dire, devenir une star de l’autodéfense après avoir lavé des bagnoles – techniquement, c’est l’argument du film -, je veux y croire en soi, mais éclater un grand blond musculeux issu d’une expérience nazie en imitant une mouette, ça fonctionne moins, sorry – et ça, techniquement, c’est le twist final).
Bref, je crois que je connais pas meilleur sentiment cinématographique que celui qu’on a quand on s’attend à voir une merde téléphonée et qu’on se prend à être touché par une sensibilité qu’on n’aurait jamais soupçonnée dans un film qui, après tout, n’est pas si mal (la dernière fois pour moi, c’était en 2005, quand je découvrais que Spielberg avait hallucinamment bien représenté la peur dans sa Guerre des Mondes).
Toute reconnaissante de cet enthousiasme, je pourrais développer un argument solide pour défendre chaque aspect du film, de la musique trop bath aux looks péniblement eightisants. Croyez-moi, marcher dans les rues de Philadelphie avec les écouteurs qui blastent à fond de vieux tubes de Bananarama, c’est une expérience du cool que peu de gens ont eu le privilège de connaître. Quant aux fringues nazbrocks? Shit! Je veux dire, fuck yeah army pants/flannel shirt/aviator sunglasses. Un peu comme quand j’ai acheté une affiche de Lloyd Dobler ou un t-shirt du Breakfast Club (je suis obsessionnelle à la limite du supportable, des fois), j’ai développé un crush monumental pour la photo ci-dessus de Daniel Larusso, pour ce look ringard, ce regard juvénile de petit con plein de défiance et cette posture à la cool et j’ai décidé que si j’avais pas cette photo imprimée sur un bout de tissu blanc un peu loose pour aller avec un short en jean troué et des tennis en toile, mon été perdrait de sa superbe.
Seulement quand je suis partie en quête de t-shirts du Karate Kid, voilà ce que j’ai trouvé:
Ah ouais. Les gens qui aimaient le film à l’époque, en fait, ils rêvaient juste d’être badass comme les Cobra Kai (les méchants du film) et de foutre des lattes aux merdeux de 15 ans en rentrant du lycée. Le public visé de ces goodies, les gamins de 10-15 ans, ce qui les fait rêver, c’est d’être des durs, pas de découvrir une figure paternelle et une élévation de soi chez un vieux japonais immigré, quoi.
Tout ça, ça m’a un peu mise face à ce que c’est, d’être néo-sincère et post-ironique, à savoir que même en essayant d’être le plus premier degré possible, de se laisser porter par une histoire qu’essaient de nous raconter un réal & des acteurs, on ne se défait jamais d’une certaine distance de “grand”, d’adulte. Je vois ce film comme une demoiselle de 27 ans qui lit occasionnellement des monographies sur le cinéma de John Hughes. Moi, ce qui me plaît en dernier ressort, c’est les looks, les échanges de regard entre Ralph Macchio et Pat Morita, et que l’adolescence soit une vraie souffrance – pas que les Cobra Kai soient trop forts. J’arrive toujours pas à décider si c’est dommage ou pas. Je ne suis pas le genre à me morfondre dans la nostalgie ou le syndrome Peter Pan, en fait (je garde de mon adolescence un souvenir d’ennui sans fin), mais j’aime bien quand, devant un film, la partie adolescente de mon cerveau refait surface l’instant d’une soirée, dit bonjour, fait un petit tour et puis s’en va.
Et putain, qu’est-ce que j’aurais aimé être “un peu amoureuse de Ralph Macchio” à 13 ans en 1984. *soupir*
Tout pareil. T’enlèves le “amoureuse” dans la dernière phrase et c’est ça ! :-)
Tu dis ça mais quand Ralph fait un date à Golf ‘n Stuff, il score Elisabeth Shue, c’est pas rien, tout de même!
C’est ce que je dis ! ;-)
A 13 ans, j’aurais pas vraiment aimé “être amoureuse de” Ralph Macchio (pour des raisons assez évidentes). Mais j’aurais bien aimé “être” Ralph Macchio. Elizabeth Shue, quoi ! ;-)
Alors ça me va. Du moment qu’on est d’accord pour dire que ce petit avorton de Daniel Larusso est un lover (et que Elisabeth Shue est une major sweetheart), ça me va!
Je suis bien contente de lire ce post tiens !
Quelques jours avant que tu le publies, je me plaignais justement en ces termes sur Twitter : “Y a même pas Karaté Kid sur la VOD. C’est un scandale.” (oui m’sieurs dames, je me plains sur Twitter si j’veux).
Et c’est vrai que c’est un scandale (mais bon, ils ont tous les Rocky, ça compense un peu).
Ah oui, et Daniel-San est définitivement le beau gosse qui m’a fait fantasmé quand j’étais môme, jusqu’à ce que ce soit Tom Cruise en barman qui prenne le relais (deux bonnes raisons de détester cette sale veinarde d’Elisabeth Shue).
Alors sache que le DVD est pas trop cher sur Amazon – ça vient officiellement d’accéder au statut très prisé de “film de noël” aussi connu comme “film de quand on est malade”. C’est con qu’Elisabeth Shue ait disparu de la circulation, elle avait un vrai potentiel de fille haïssable par les autres filles, en fait, dans les années 80, eheh! Ralala, Daniel-san… Je suis si déçue que mon projet de t-shirt customisé n’ait pas marché…
J’aime ton billet parce que je me reconnais un peu dedans. La dernière fois que je me suis trouvée comme une greluche devant un film, c’était pour le Sherlock Holmes de Guy Ritchie.
Et comme toi, j’avoue avoir connu méchamment le flippe devant La Guerre des Mondes. Spielberg a vraiment réussi son coup pour ce film.
J’aime (parfois) aller voir des films étiquetés comme étant mièvres, ringards, faciles. j’y vais juste pour le plaisir de me laisser emporter par une histoire simple, drôle et/ou émouvante, attendrissante, etc. Il n’y a pas de mal à ça que je sache!
Comme je dis toujours, “cheese is cool”, j’aime bien bien bien regarder des films à codes un peu niais, des fois c’est bien fait. Ça manque en subtilité, mais des fois, bon dieu que ça fait du bien!
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