Breaking the 4th Wall

L’autre jour, alors que Shanna me racontait, surexcitée, une énième anecdote de celebrity sighting à New York (= elle a passé son EVJF à tailler une bavette avec John Mayer), je me faisais la réflexion que Twitter est un peu le New York City du world wide web, d’une certaine manière.

A New York, la célébrité fait partie du quotidien – il n’est pas rare de croiser un tournage au détour d’un achat de bagel, et peut-être même que la personne qui vous aidera à trainer votre valise dans le métro sera Keanu Reeves himself (anecdote véridique). Notons que John Mayer ne vous dit sans doute rien ici, à part peut-être le fait de s’être comporté comme un goujat avec Jessica Simpson, Jennifer Aniston et Taylor Swift (c’est faible comme CV). Aux Etats-Unis, c’est un peu le lover singer-songwriter-à-voix-cassée de la ménagère. De là à dire que c’est le Christophe Maé local… Toujours est-il que ma Shanna a passé la soirée avec Johnny-boy et que depuis, sa photo de profil Facebook les montre enlacés dans une étreinte qui n’est pas sans faire rire jaune Rob, son désormais “husbz“. En temps normal, il n’est pas menaçant de savoir que ta moitié fantasme sur un sex-symbol notoire un brin idole des jeunes. Mais pas à New York. Parce qu’à New York, tout est possible, y compris croiser et se taper son idole. A New York, “célébrité”, c’est une CSP aussi courue que vendeur de hot-dog.

Sur Twitter aussi, la célébrité devient accessible. Sur Twitter existe la possibilité de s’adresser directement à la star, à l’idole, à l’inaccessible étoile. Ainsi, combien de demandes en mariage a reçu Justin Bieber en quelques mois, combien de témoignages de soutien adressés à Britney Spears, mais aussi, combien de fans se sont mises à regarder des films d’horreur après que cette petite allumeuse d’Eli Roth ait joué au cybersexe avec ses fans féminines? Car surtout, sur Twitter existe toujours l’infime possibilité d’avoir une réponse, et de finalement se rendre compte que derrière un profil et des phrases lapidaires en 140 caractères, une personne interagit et se sert de ce réseau pour manipuler son statut de personne célèbre, voire la notion-même de célébrité. Parfois, je me demande si je ne reste pas sur Twitter pour ces moments fanboys montrés à la face du monde.

Exemples.

– la bourde

Quand un quidam voue toute son admiration à Kevin Spacey, celui-ci ajoute au fait d’être vachement sympa celui d’avoir beaucoup d’humour.

Olly Cromack s’extasie “ouah Kevin, t’étais formidable dans American Pie et dans Un Monde Meilleur!” Kevin, beau joueur, lui donne son instant virtuel de gloire en prenant la peine de lui répondre sur un ton légèrement VDM “J’ai pas joué dans American Pie. Dans American Beauty, oui. Mais merci quand-même!” Chou.

Dans le même registre, un mec a récemment félicité Ralph Macchio pour son rôle dans WarGames. A quoi, beau joueur, Macchio (qui est donc connu pour The Karate Kid) lui a répondu “oh, donc ça voudrait dire que je suis en fait marié avec Sarah Jessica Parker?” (car WarGames a en effet lancé la carrière de Matthew Broderick).

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– le bitchslap virtuel

La palme revient à Frankie Muniz, l’obscur acteur qui avait le rôle-titre de la série Malcolm et qui semble cumuler les attaques gratuites d’un peu toutes parts. Quand on a joué dans une série à succès d’estime et/ou populaire quand on était adolescent, il peut vous arriver deux choses: faire un Michael J. Fox (un peu comme Shia LaBeouf, Michelle Williams et consorts) et donc faire une carrière plus ou moins honorable, ou faire un James van der Beek (ie. sombrer dans l’oubli). Frankie Muniz, c’est la deuxième option. Point is, même sans devenir une star connue et reconnue, avoir eu son quart d’heure de gloire à Hollywood peut s’avérer lucratif, si on est un minimum malin. Ca ne prive pas d’être con, évidemment. En Septembre dernier, Liam Laferriere, un mec sans doute sans histoire, se permet de faire remarquer à Muniz que c’est en fin de compte un acteur relativement à chier. Mmmh, c’est facile, de s’en prendre à quelqu’un quand on est planqué derrière un clavier, non?

“Peut-être, mais prendre sa retraite à 19 ans avec 40M de $ n’est pas vraiment à chier. Bon courage pour déménager de chez tes parents avant 35 ans” Burn. Mais drôle. Mais con.

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– le postmodernisme appliqué à Twitter

Kanye West, dont la détestabilité est devenue une marque de fabrique, a mis très longtemps à créer son compte Twitter. Évidemment, il a lancé sa page à grand renfort de déclarations puantes, de provocations pas drôles et d’invitations à l’insulte facile – tant qu’à faire, il fallait coller au personnage. Fidèle à son éthos de rapper snob, fashionista et élitiste, Kanye West n’était abonné à aucun compte. Il n’a pas besoin de s’intéresser aux gens pour qu’eux s’intéressent à lui, tu comprends. Alors il publie des photos du château de Versailles, de vêtements de luxe, et autres signes extérieurs de richesse. Une des photos montre des chicots en diamants, et un petit malin de Coventry, en Angleterre, s’amuse à lui demander s’il les nettoie au dentifrice.

Pour une raison toujours non-élucidée à ce jour, Kanye répond un truc sans intérêt à ce péquin et pour faire chier le monde, s’abonne à son compte. Omagad, Kanye West, l’homme followé par plusieurs centaines de milliers de personnes, ne follow qu’un seul compte, celui de “ste_101”

D’abord honoré d’être l’unique compte suivi par Kanye West, @ste_101 se sent dépossédé de sa présence sur le réseau social. Rançon d’une gloire dont il ignore la raison, il se retrouve suivi par des milliers de personnes, lui qui n’avait qu’un compte d’anonyme qu’il utilisait pour prendre rendez-vous au pub avec les copaings. Et puis merde, parmi ces milliers de personnes, y a Kanye *fucking* West!

“J’ai la pression maintenant.” Kanye, de toute évidence super fier de son gag, lui répond “vas-y mec, tweete fort!!!”, bien conscient que son conseil ne veut strictement rien dire, pas plus que sa décision de le suivre. C’est sans doute à ce jour un des plus chouettes moments WTF de ce réseau – en un clic, Kanye West démontre l’absurdité du principe “social” de ce réseau, et en 3 tweets, Steven Holmes nous fait un mini traité en 3×140 caractères sur les affres de la célébrité. Culte.

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– le fanboy high profile

Le plus beau moment d’interaction star/anonyme revient pour moi à Ralph Macchio, le seul, vrai et unique Karate Kid, et Ben Mezrich, l’auteur d’Accidental Billionaires. Non pas que l’un ou l’autre soit une personnalité de premier rang (en gros, Macchio est has-been depuis 1986), mais pour la classe ultime de la nature de l’échange. Depuis quelques semaines, The Social Network monopolise les conversations des cinéphiles et des geeks du monde entier (ou des deux, ou de la réponse D). Ralph Macchio, qui a retrouvé un semi-anonymat-mais-pas-trop depuis qu’il a enfin cessé de ressembler à un adolescent, se rend à son multiplexe le plus proche pour voir le film du moment.

“Ce sera comme si on était déguisés en squelettes et qu’on pourchassait le Karate Kid à travers le gymnase du lycée!” – cette citation tirée de Social Network, et prononcée par un des jumeaux Winklevoss, renvoie à une scène de Karate Kid: Daniel Larusso fait une mauvaise blague au méchant blond issu d’une expérience nazie, lors de la soirée d’Halloween du lycée, et se retrouve poursuivi par une dizaine d’armoires à glace ceintures noires de Karaté qui veulent lui mettre la trempe de sa vie – le vrai élément déclencheur du film. Long story short, Macchio, fier comme pas deux de ce name-dropping dans le script d’Aaron Sorkin, l’exhibe sur Twitter.

Mais ce n’est pas tout.

Ce big-up fait réagir Ben Mezrich, l’auteur d’Accidental Billionaires, le bouquin dont est tiré le scénario de Social Network. “Je suis content que t’aies apprécié! Ca vient de mon livre, et je suis un fan!”

C’est ainsi qu’apparaît une formidable triangulation: en 1984, Ralph Macchio incarne le Karaté Kid, dans un film qui deviendra culte pour toute une génération d’Américains, parmi lesquels Ben Mezrich et Aaron Sorkin. Mezrich, tout fan qu’il est utilise une référence au film dans son bouquin sur Facebook. Sorkin, fan du bouquin de Mezrich, en fait un scénario dans lequel il reprend le bon mot de Mezrich. Macchio, fan de Social Network, vous connaissez la suite… Je trouve que cet échange ne manque pas de panache.

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Sinon, pour rester sur ces considérations de fangirl, c’est la première fois en 4 ans que je suis pas à New York pour Halloween et c’est d’autant plus dommage que j’avais prévu de me déguiser en Lindsay Lohan en taule. Merde à la fin.

19 thoughts on “Breaking the 4th Wall

  1. Si je me suis inscrite sur twitter à la base, c’est parce que mon idole Trent Reznor y avait un compte. Effectivement le côté “interaction possible” avec quelqu’un qu’on admire est ce qui m’a attiré le plus.

    Sinon, te déguiser en Lindsay Lohan? Version pré ou post rehab? lol

  2. Moi je pense que je n’oserais pas communiquer avec une star sur Twitter…même si ça la rend plus proche, plus “humaine”, on se sent quand même inférieur (avec des pensées du sytle “han il ne lira jamais ce que je lui écris!” ou bien “oh c’est trop banal, il faut que je lui envoie un message qui sorte du lot!”). Mais peut-être que je devrais passer du temps à New York histoire de me défaire de cette vieille hiérarchie ^^

    PS : Je trouve ton blog super intéressant, je tenais à le dire car je ne commente presque jamais, mais je lis tous tes articles!

    • Clairement, moi non plus – combien de fois j’ai commencé un tweet à Eli Roth pour l’effacer juste après (sigh)
      Et c’est sûr que dans 95% des cas, c’est sans réponse, de même que quand tu croises une star irl, tu es globalement comme un con à n’avoir rien à dire (un jour, je vous raconterai mon gros fail quand je me suis trouvée nez à nez avec Diablo Cody et que j’ai soudain perdu toute ma voix). Mais pour le 5% de chances d’attirer son attention, ça crée un truc un peu différent, je trouve. Le simple fait que cette possibilité existe, quoi.

  3. Je vais faire ma franchouillarde mais à Paris c’est pas rare de croiser un tournage aussi. Gossip Girl et Woody Allen cet été par exemple. Mon plus beau souvenir restant le jour ou j’ai cru avoir basculé dans un monde parallèle à cause de tout un quartier déguisé en années 70.
    Et puis la seule célébrité que j’ai vu à NY c’est Mélanie Laurent.
    Gros fail donc…
    Pour twitter, depuis le jour où j’ai appris que les acteurs fréquentaient eux aussi les lieux d’aisance, plus rien de me surprend.

    • Mmmmh, à Paris, la personne devant toi à la pharmacie est plus souvent Ariane Massenet, moins souvent Meg Ryan. Et tu auras du bol si tu vois de loin Laurent Gerra ou Benjamin Biolay en train de prendre un pot dans le même café que toi, à New York, tu vois Jude Law papouiller Sienna Miller, tu croises Taylor Momsen au Spotted Pig, ou encore Bruce Willis qui se fait une bouffe avec Winona Ryder. Et donc Keanu Reeves dans le métro. Tiens, et le mois où ma coloc a fait serveuse pour pallier son statut de chômeuse, son premier soir, elle a servi Julia Roberts (qui est une vraie bitch, visiblement) et le deuxième soir, elle a servi Uma Thurman et Rachel Weitz. Donc voilà, 2-3 exemples de celebrity sighting en moins d’un an pour moi et mes proches.
      En termes de tournages, oui, j’ai vu Fame et Sex and the City. Mais c’est surtout que NYC soit le ‘hood de la moitié des stars américaines qui est frappant.
      Vraiment, sur ce terrain, je pense que NYC est un cran au-dessus!
      Mais j’aurais aimé voir la reconstitution seventisante, par ailleurs. ;)

  4. C’est sûr qu’à Paris tu vois plutôt des français mais bon, c’est vraiment très fréquent. Une amie a pris le bus avec Anna Mouglalis, pris un café à côté d’Elodie Bouchez qui rejoignait son mec de Daft Punk. Un autre s’est retrouvé assis à côté de Vincent Lindon. Et moi j’ai manqué de me faire écrabouillé par le hummer de Karl plusieurs fois, et en vrac Rachel Bilson, Monica Belluci, Jane Birkin, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, le duo Air, Jarvis Cocker. Y a quelques jours, j’ai pris le métro avec Benoît Delepine (ouais, ça a moins de gueule que Willis, je nierai pas). J’ai surtout cité les plus glamour mais j’ai aussi fait mes courses à côté de Ségolène. Enfin, c’est pas pour faire un concours mais plus pour dire que le “celebrity sighting” c’est aussi quotidien à Paris.
    Et non, j’ai jamais vu Ariane Massenet (mais Yann Barthes, oui).

    • Oui, je ne cherche pas vraiment à faire un concours de qui a la plus grosse, en effet. C’est juste que, pour avoir vécu à Paris et à New York, il n’y a pas du tout le même rapport ni la même présence de la célébrité dans l’espace public. Par contre, c’est drôle pour les blogueuses – la fois où j’ai croisé Pandora, je me suis demandé si elle avait peur qu’on la reconnaisse (alors que c’était avant la pub CdC – lol, quoi)

      • Girls, j’ai envie de dire peut-être que vous ne fréquentez pas les mêmes quartiers. Virgo, désormais on ira boire des verres dans un périmètre compris entre la Passy, la rue St-Honoré, le Palais-Royal et le métro Rambuteau, peut-être que ça relèvera le niveau de starseeing in Paris.

        • Huhuhu! En fait, ce que je retiens des réactions à ce post, c’est que je devais être ultra-vip à New York, et je m’en rendais même pas compte, alors que je suis une nobod’ à Paris!

      • Ha oui, mais justement, j’étais pas de ton avis sur la perception de la célébrité à Paris. Bon après, c’est pas le même degré de stars hein, on est bien d’accord. Je me doute que quand je croise des camions de tournage, y a des chances que ce soit pour les Cordier ou un truc du genre…
        Pandora je la connais vaguement depuis longtemps donc je ne sais pas trop ce que ça fait de la croiser sans la connaître. Mais ma grande fierté est d’avoir vu Alix de gnangnanland et d’avoir compris l’intérêt de la retouche photo.

  5. Une fois j’ai répondu à Nicole Riccie parce qu’elle demandait si le fils de Miranda et Steve s’appelait Brady Brady. Elle m’a jamais répondu et je l’ai défollowé.

    Au début je suivais bien la vie des stars sur twitter et j’adorais savoir que Taylor Momsen avait ses règles et du coup disaient plein de choses méchantes aux gens et voulait mourir après. Et ça m’a plutôt lassé.

    DU coup j’ai viré plein de stars américaines et même si je follow plus de 400 personnes ( dont une cinquantaine de personnages de jane austen) j’ai fait une liste de blogueurs qui twittent des trucs intéressants et bien écrits. J’ai viré tous les gens trop connus, j’ai même pas envie de me foutre de la gueule de xoxo capucine alors qu’il parait que c’est un sport national sur le twitter français.

    Bref, ça m’intéresse plus tellement de savoir en direct qu’ils boivent un verre avec un producteur taiwanais et qu’ils trouvent que la vue de la riviera depuis leur hôtel sur les hauteurs de cannes est very jolie.

    Twitter a fortement calmée ma fan attitude.

    Et sinon pour en revenir au fait qu’on croise plein de stars à N.Y Moi l’autre jour j’ai croisé Isabelle Gélinas à Lyon. Et ça franchement, je suis pas certaine que ça arrive à New York.

    • Ahah, moi j’ai dû rédiger 4 ou 5 fois une blague de dork pour Eli Roth, et l’effacer aussitôt. Pareil pour Ralph Macchio, surtout quand il a sorti sa vidéo parodique pour funny or die. En fait, c’est un art, de suivre les bonnes “célébrités”. A un moment, j’ai suivi Heidi Montag et Lauren Conrad, mais c’était pas super drôle (alors que franchement, quand tu vois the Hills, tu peux sincèrement nourrir beaucoup d’espoirs). En fait, il faut choisir des personnalités pas forcément les plus présentes (j’ai tenu 10 minutes très exactement, en suivant Ashton Kutcher), mais identifier celles qui sauront jouer avec l’élément 140 caractères. A ce jour, pour moi, j’en compte 3: Bret Easton Ellis (quand il tweete), Eli Roth (sauf quand il fait la promo d’un film, il devient lourd) et sa sainteté Diablo Cody. Même un mec comme Klosterman est pas super intéressant sur twitter.
      Après, pour ce qui est des réponses, il faut faire tout un coefficient grosse tête, et ça m’étonnerait que Nicole Richie soit concernée…
      En fait, il faut trouver ceux qui utilisent twitter pour autre chose que leur promo personnelle, et qui sont présentes à Hollywood sans être centrales. Je dis pas que Taylor Momsen est centrale, mais ça m’étonnerait qu’elle ait suffisamment de maturité pour avoir du recul sur tout ça…

  6. J’ai tjs BEE et Diablo Cody, mais je regarde rarement ce qu’ils disent. En fait ils sont dans ma liste juste pour montrer aux gens que je suis cool. Et Diablo Cody a un avatar Daria.

    Je viens de découvrir qui est Eli Roth.

    J’ai followé A.K un certain temps, mais je ne prêtait tellement pas d’intêret à ses tweets que j’ai vite défollowé. En fait twitter m’a permis de plus m’intéresser à la carrière des acteurs/chanteurs qu’à leur vie privée aussi inintéressante que la mienne.

  7. Pingback: Good boys, bad guys | Virgoblog

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