Big In Japan

Je sais pas si c’est à tort ou à raison, mais j’ai toujours tendance à penser qu’une collection intéressante de t-shirts un brin nerdy signale beaucoup de choses sur une personnalité et crée un capital sympathie indéniable. Par conséquent, ce genre de collection ne se constitue pas au hasard.

J’avais déjà éprouvé le potentiel complètement swaggerish d’une limasse Breakfast Club dans un bar nazbrock de Olde City, Philadelphie. J’ai donc depuis entrepris de lui trouver de nouveaux copains, de préférence pas issus d’une série H&M Divided ou Urban Outfitters (trop facile, mon bon monsieur). C’est un exercice très chouette à faire, mais perclus d’un certain nombre de dos and don’ts – décryptage:

– trouver le film qui ferait le bon t-shirt (ça veut dire qu’en regardant un film, on se dit “tiens, je veux que l’humanité sache que j’aime ce film, il est cool),

– comment l’utiliser visuellement pour donner un capital sympathie à une tenue hip sans tomber dans le premier degré littéral: sans conteste l’étape la plus difficile, le t-shirt illustré premier degré étant souvent un no-go total (sauf, et c’est bien connu, si c’est un t-shirt des Spice Girls),

– trouver le moyen de faire authentique (pour pas faire try-too-hard),

– quel type de support choisir (marcel, t-shirt blanc fluide, couleur vive, etc.)

Bref, la maîtrise du teesh nerdy est un art très complexe. Eh oui, s’il est réellement nerdy, il ne sera disponible que sur des sites qui connaissent certes tout au cinéma des années 80, mais rien à la mode des années 2010, ce qui implique que la “pièce” recherchée ait, la plupart du temps, une non-coupe un peu vaste dans un coton épais bien dégueu dont même Fruit of the Loom ne voulait plus. Or quand on affiche un t-shirt Star Wars, on veut faire cutie-quirky, pas butch sans vie sexuelle depuis 1994. Par ailleurs, le design de ces produits est un brin premier degré (c’est-à-dire que le public visé est plutôt prépubère), ce qui flingue tout l’effet décalage hipstery adulescent recherché.

Ergo la nécessité, le plus souvent, de se retrousser les manches, et de fabriquer soi-même son bout de coton, de préférence mou, loose et un peu distressed (eh, on n’est pas en 2011 pour rien – santé bonheur, btw), de réfléchir deux secondes au biais par lequel on veut créer la référence pop culture (elle doit être décalée et sibylline pour casser la lourdeur un peu trop fangirl de la démarche) et d’enfin commander son bien sur un site spécialisé dans la personnalisation de goodies pour jeunes urbains branchés. Ça en fait, de l’énergie passée à créer un effet coolos 8e degré – mon dieu, je crois que c’est tellement snob et poseur, en vrai… Mais c’est aussi un peu devenir le Michel Gondry du t-shirt, ce qui, en soi, est une perspective assez réjouissante.

Pourtant, force est de constater que des fois, on va trop loin dans le décalage et le 8e degré.  ☞ ☟

Voici un exemple de foirage total de référence pop sur t-shirt (pourtant, si vous saviez comme je l’aime, ce nigaud). Sur 13 personnes interrogées, 13 ont trouvé ce t-shirt plutôt joli et plutôt sexy-décalé (win sur la forme, la taille et la matière); cependant 13 n’ont absolument rien pigé à ce dont il s’agissait (prévisible), dont 1 m’a demandé si c’était une recette de cocktail, et 10 s’en foutaient du coup (f-f-f-ffail). Moralité: avoir son univers, c’est beau, mais il faut savoir reconnaitre quand on se laisse emporter par l’autoréférence.  Jouer avec la pop culture, c’est être permanence sur le fil – c’est populaire, donc ça ne doit pas être snob, et ça doit créer la connivence avec le monde qui vous entoure (on montre son amour pour des films pour enfants, pas sa maîtrise pointue d’un label électro-indé, quoi). Mais si c’est trop évident, ça fait beauf. Bah voilà, c’est dur à gérer. Pour l’histoire, les noms écrits sur ce t-shirt sont ceux des personnages d’Outsiders, le film le plus sous-estimé de Francis Coppola. Je note au passage que, depuis la soirée dans Olde City, ça s’est tellement pas arrangé sur le front beergut que j’ai dû *éditer* cette photo comme une connasse, histoire de ne vous infliger que mes cernes (et si j’ai l’air bourrée comme un coing, tout est normal).

De ce côté-ci de l’Atlantique, dans la contrée du chic parisien, mon beau t-shirt référencé est simplement un échec cuisant. J’ai l’impression que si la référence doit être sibylline, elle doit aussi jouer sur un point visuel qui doit pouvoir être “objectivement” cool, sans qu’on comprenne de quoi il s’agit. Je progresse. A venir: le t-shirt Karate Kid que m’a gentiment proposé Eve, un t-shirt à l’effigie de Johnny 5 (quel bel individu), et je cherche une manière décalée de me faire plaisir sur le thème “Goonies Never Say Die”. Mes références sont parfois crypto-cryptiques, c’est vrai, et j’ai visiblement plus la classe dans un pub white-trash de Pennsylvanie que dans un café bobo parisien, certes. Mais tout ça nous dit aussi que de Paris à Brooklyn ou Philly, le décalage culturel a encore de beaux jours devant lui, malgré ce qu’on veut bien dire de l’américanisation du monde. Traduction: la culture hipster n’est pas tout à fait arrivée en France, malgré ce qu’on en dit (j’y reviendrai, un de ces 4, c’est important).

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Si par ailleurs vous vous demandez de quoi peut bien parler Outsiders (c’est un chouette film), j’ai pour une fois mieux à vous proposer qu’un lien Wikipédia du pauvre, puisque j’ai déversé une logorrhée au sujet de ce film sur Vodkaster il y a environ 1 mois. J’en profite pour vous inviter chaleureusement à aller lire mes chroniques American Teens, j’ai créé exprès un joli onglet avec des images mal fagotées pour vous y renvoyer plus facilement (vous n’avez plus d’excuse), parce que, très bêtement, j’en suis fière, c’est ce que je prends le plus de plaisir à faire en ce moment. C’est un peu inégal, je fais mes armes et ça se voit, mais ça me fait redécouvrir la facilité déconcertante avec laquelle je peux écrire sur un sujet si je suis motivée (après 4 ans de thèse, en pleine crise intellectuelle w/ grosse envie de partir élever des poulets dans la Bresse, ça n’a pas de prix, croyez-moi); ça représente pour le moment une trentaine de pages word (srsly), des heures passées à voir et revoir des dvd, avec un plaisir toujours inchangé, des larmes versées, des claques visuelles devant la beauté de certaines scènes, des sourires quand une vanne fonctionne particulièrement bien, un enthousiasme croissant et très sincèrement, j’espère que ça vous initiera à un aspect de la culture américaine relativement méconnu en France, pourtant très riche et surtout chouettement divertissant.

Et puis au moins, comme ça, y a des gens qui aimeront mes t-shirts, et je me sentirai moins sotte.

Cheers.

33 thoughts on “Big In Japan

  1. Yeah, pour une fois qu’il y a un sujet modasse sur lequel je peux commenter.
    (En même temps, pour les mecs, on oublie la plupart du temps le dilemme de la coupe: pas spécialement que ce soit pas important, mais les coupes sont plutôt “ok” par défaut, donc à la limite, faut juste prendre à peu près la bonne taille. Et sinon, j’ai vachement moins de scrupules sur l’endroit d’où il vient -et en pratique, j’ai encore jamais vu personne avec un tee similaire au mien-, quant à la qualité du coton, ma bonne dame…)
    Bref, je vais juste honteusement parler de ma mini-collction perso.
    Parce que je les aime d’amour.

    Mon t-shirt Snoopy : http://bit.ly/g0GuNG
    Acheté dans une fripperie d’East-Village. Voilà, quoi. Un peu large, mais finalement, ça va avec l’idée… Parce que justement, il y a aussi une sous-catégorie dans le t-shirt nerdy pour le jeu de mot ou l’effet de style. Ici: léger, mais efficace.

    Mon t-shirt Elvis : http://bit.ly/hSDwe7
    Globalement, une couleur assez moche, le design un peu, aussi; et pourtant ça marche. (Enfin je trouve) En tout cas, il m’a ramené plein de sourires. Acheté au Portugal chez Bershka.

    Mon t-shirt Spongebob : http://bit.ly/f3QDGN
    Celui là il est fantastique. D’ailleurs il commence à s’abimer, je suis deg’; j’ai chercher à le retrouver pour en acheter une caisse, mais j’y arrive pas. Si on pouvait m’aider… Il tombe dans le même sous-genre que celui dont tu parles dans ton post: l’énumération des noms. Pour moi, ça avait démarré avec le t-shirt Karl, John, Marc, mais je me trompe peut-être (en tout cas, ça m’a semblé devenir un mini-phénomène à partir de celui-ci). C’est un cadeau, et il a tout bon sur plein de points: noir donc mettable en soirée sans souci, et la référence visuelle à Spongebob -qui aurait pu être ridicule si elle avait été directe- fait très bien passer le “je regarde des dessins animés le samedi matin, mais je le fais avec goût (et en mangeant du muesli bio dans du lait de soja, donc)”.

    Mon t-shirt Evangelion : http://bit.ly/f76EjC
    Dessin animé japonais un peu barré, avec des robots dedans, c’est parfait pour le nerd qui sommeille en moi, mais en même temps, il est juste beau. La composition graphique est géniale. Uniqlo.

    Mon t-shirt Mickey : http://bit.ly/hJqWYG
    Il vient de chez H&M, rayon enfant. Trop bien. C’est tout.

    Mon t-shirt Hulk Hogan : http://bit.ly/exs0rq
    Parce que bien entendu, c’est pour Hulk Hogan la star de télé-réalité et non pas le catcheur. Mais en fait un peu quand même. Donc moultes rebondissements dans la conversation qui va avec, bien entendu. Acheté dans une fripperie à la mode de Williamsburg. CQFD.

    • Marchent pas, tes liens, chouchou!!
      Qué déception, du coup > je note que pour ton anniversaire, faut que je prévoie de te designer un ticheurte Khloé & Kourtney Take Miami, t’auras un succès fou.

      Et pour la matière, ah bah si, ça compte, demande à Clément. Par exemple, la matière d’American Apparel est carrément la mieux, surtout les triblend tout mous sexy, y compris pour les hommes (sans compter leur choix de couleurs). Après, sur les t-shirt customisés tout prêts cheap, je préfère par exemple Junk Food à Anvil. Non non, c’est un art coco, un vrai!

    • la matière d’un t-shirt c’est aussi important que de dormir nu dans une couette (Jonathan Caouette!). Plutot qu’avec un caleçon, moi je préfère dormir nu; du coup j aime les cotons doux et expansifs.

      • expansifs > le coton est-il généreux de sa personne ou cher?

        (par ailleurs, “oué, moi, je dors nu, tu sais”, vazy le comm’ du mec qui allume!!)

        • Nan mais j’avais bien compris que pour certaines personnes, la matière ça compte vachement. Surtout pour l’autre andouille à fleur de peau qui dort tout nu, tu penses bien.
          Mais moi, je disais que globalement, je m’en fous.
          En plus, les jolis cotons doux et légers sont généralement ceux qui se déforment le plus vite. Et ça, ça m’agace.
          Sinon, j’ai offert un t-shirt customisé à un pote pour Noêl l’an dernier. Un truc avec une variante des Monsieurs (genre Little Miss Sunshine). Et j’ai pris du American Apparel, bien sûr.
          (Sinon, j’aime bien que o+> mentionne la “sur-impression douce au toucher”, c’est rigolo)

    • Parles-en à Clément, il a un point de vue extrêmement arrêté sur la question.
      (Bob l’Eponge, je m’en souviens! – dans un registre similaire, enfin non, mais tu vois l’idée, j’ai ce teesh Bowie que je garde précieusement, car acheté à Trash & Vaudeville sur St Marks Place, et que 3 mois après, je voyais sur MTV qu’*ASHLEE SIMPSON* avait fréquenté cette boutique)

    • Pour le blog mode y a du chemin – ou alors j’ouvre une boutique Etsy de teesh “quirky teen 80s” designés par moi, je fais du buzz chez Betty et mon avenir est tout tracé.

  2. je trouve que la photo est achement bien, dis-moi…
    ;)
    Boh sinon, eh mais c’est pas grave si on comprend pas les références…on peut faire comme devant des oeuvres d’avant-garde poétiques ou plastiques à base de typographie ou d’écrits de tout type : on peut trouver que c’est joli et que ça fait un effet sans comprendre vraiment précisément le truc…
    enfin moi ça me va de faire ça..d’apprécier d’une certaine manière sans tout comprendre parfaitement
    (je sais que les puristes du sens et de la connaissance de l’art me déboiteront, mais franchement c’est pas aussi comme ça qu’on peut apprécier les beaux objets dans la vie? (quels qu’ils soient) ou est-ce pas la marque que l’objet fait quelque chose?)
    )

    • Ah bah COOL! En fait, c’est un peu l’idée recherchée – nan parce que si je veux que tout le monde comprenne, un t-shirt Mickey fait l’affaire en terme de joli+universel > là, j’aime bien l’idée que certes, on puisse capter la réf (mais là, c’est un peu foiré), mais par ailleurs, on puisse aussi se dire, oh c’est cool, ce t-shirt (éventuellement c’est quoi kya écrit dessus? et là: hop “oh, c’est un film, faudrait que je te passe le DVD” “mais ouais, trop!” “et tu sais, Tom Cruise jeune, blabliblu”, etc.) Ou juste, “oué, y rend bien”.

  3. mes T-shirts préférés:

    -un T-shirt Dr Pepper gris pâle: porté de la 5ieme a la 1ere fidèlement. j’avais l’impression dans une version intello de happy days; T-shirt fétiche du basket dans la cours d’H4;
    -une pub pour yellow-stone: c’était un T-shirt vert pomme avec une sur-impression douce au toucher;
    -un Delicious Vynil offert à mon bro’;
    -les Ts American Apparel trois ou 4 cotons; bleu, gris chiné et gris anthracite; version polo également.
    -un T-shirt Liquid Sword de GZA venant du Japon offert par un pote; (je les mets pas souvent: “damn cracka wearin’ Wu-tang shit” me “you know all French people like the Wu. That’s a fact”)
    -un hanes tellement usé qu’il faisait toile d’araignée, un peu trop petit et trop court: marlon brando, c’est moi;

    • Aw un t-shirt Dr. Pepper <3!
      Ton t-shirt GZA (qui est canon, pas facile à porter, mais canon), il est surtout devenu petit pour toi, maintenant, non?

  4. Comment t’es trop bonne sur la photo, bientôt les pubs en 4 par 3 pour Pimkie, attention ! Et bien évidemment, ce tee-shirt déchire.
    Que penses-tu de:
    A brain &
    An athlete &
    A basket case &
    A princess &
    A criminal &

    Ce sera mon prochain tee, uniquement à destination des gens bien et cultivés !

    • Of course, je crois qu’il existe sur 8ball, si tu veux – moi je suis au taquet sur un Goonies Never Say Die assez joli, vu sur Anne Hathaway d’ailleurs, mais j’hésite sur la couleur…

  5. [Petit H-S]
    Je sors de mon mutisme habituel – alors que je te lis très régulièrement – pour t’encourager pour le post sur la culture hipster en France.. Je trouve tes points de vue toujours très pertinents, j’aimerais bien lire ce que tu penses de ça…
    ^^

  6. T’es vraiment trop cool à lire quand même. Ce commentaire est inutile, je suis un pur produit des facultés de droit et le t-shirt nerdy m’est à jamais interdit, mais je tenais à souligner que voilà tout de même et que.

      • Ha non, pas d’académie de la bière, ethos de classe ethos de classe ethos de classe, on peu à peine lire Proust à la BSG.

        Par contre, vraie question (sans rire, je suis incapable d’y répondre et ça me taraude) : est-il intéressant de porter un t-shirt nerdy seul chez soi sans public ? Est-ce possible ? Est-ce que ça ne va pas totalement à l’encontre de la philosophie même du t-shirt nerdy ?

  7. Ca va donc faire deux mois que je harcèle le mec de la boutique de t-shirt, vu que ce con préfère imprimer des t-shirts Pulp Fiction par dizaines, sans prêter attention à mes requêtes concernant Daniel Larusso. Mais point d’inquiétude, si j’ai pas de nouvelle d’ici la fin du mois, je lui pète sa vitrine, ni vu ni connu.

    Concernant ton t-shirt Goonies, j’en ai moi-même un fabuleux qui n’est pas du tout décalé mais d’un kitsch assumé (ce qui est bien aussi). Je le porte avec mon shopping bag Choco (scène de Choco dans la chambre froide), c’est d’un goût très sûr. Sinon, il y a aussi ce fabuleux t-shirt Bagoo qui me fait de l’oeil depuis une plombe (mais qui n’est EVIDEMMENT dispo qu’en version mâle et en Xl qui plus est) : http://www.amazon.com/Goonies-Hablas-Espanol-T-Shirt-X-Large/dp/B001CF0YQM/ref=sr_1_25?s=apparel&qlEnable=1&ie=UTF8&qid=1295556994&sr=1-25&searchContext=B001CF0YQM,B0022KVTBA,B000BR3Y0A,B004FKHW9S,B004FRX1YQ,B003MAPTRY,B0014NHRKS,B001N3XEF6,B001M5J83W,B001M6FTQ6,B004FRX1VY,B0014EW3WO,B003D78AWM,B003L8M9TS,B000L9MMQK,B003XET09W,B004FLWI00,B000BTFVWC,B001T729N4,B001RHTJQQ,B004ETPHDI,B002BX3JFM,B001KPRC6O,B0042ZQRYW

    Allez, je file, j’ai une quête à poursuivre (mon t-shirt Inigo, encore et toujours).

    • c’est rageant que Zazzle ait une politique trop stricte sur les copyrights, ton t-shirt Goonies serait prêt depuis longtemps! Franchement, il y a un business à créer sur les t-shirts nerd pour femme non butch, c’est beaucoup trop sous-exploité!

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