Le 27 juillet 2006 au soir, on était à Trujillo, dans le nord du Pérou, à errer à la recherche du havre de paix qui nous permettrait de déguster un pisco sour ad hoc. Ca avait été une journée épuisante, faite de visites pré-inca – et j’avais commencé par m’électrocuter sous la douche (true story – j’ai perdu toute forme de respect pour Claude François, depuis). Après avoir trouvé un stand de rue à anticuchos, Fanny a repéré de la rue un endroit qui lui semblait sympathique et typique, pas trop rempli, surtout, suffisamment éloigné du groupe de métal symphonique péruvien qui donnait un concert gratuit à quelques rues de là.
Nous sommes donc entrés dans l’Escape.
Les serveuses y rangeaient leur briquet et leurs pourboires entre leurs seins, à peine couverts d’un body strapless turquoise. Elles faisaient 1m02, elles étaient replettes, mais rien qui rebute les clients venus là pour les suivre dans la backroom (qui, à vrai dire, était à l’étage). Pendant ce temps là, on prêtait pas attention, hypnotisés qu’on était par l’écran géant qui diffusait des clips de Kim Wilde et Billy Idol dans ce hangar un peu délabré qui servait de salle de bar, où les 2/3 des tables étaient vides.
A y regarder de près, Idol reprend la grammaire visuelle de Thriller, nous gratifie d’un quickening et danse un peu comme Al Pacino dans Cruising. A l’époque j’avais jamais rien vu d’aussi ringard – après une réflexion très posée, il est fort possible que l’Escape soit l’endroit le plus cool, hip & edgy dans lequel j’ai jamais mis les pieds. (imaginez que je suis plutôt mal barrée à Paris, maintenant que je reçois des invitations pour aller à des événements dans des “boîtes à deux pas des Champs”)
Evidemment, de pisco sour, il n’y a pas eu. Plutôt 4 Cusqueña bien fraîches, servies sous l’œil hilare de la clientèle, épatée de voir 4 gringos s’encanailler dans une cantina low profile comme on n’en fait plus trop, à part dans les coins pas trop mondialisés d’Amérique latine. Enfin, sauf à dire que la mondialisation passe ici par le medium “clip de Billy Idol” (ce qui aurait tendance à me réconcilier avec l’empreinte phagocytaire d’MTV sur le monde, vous savez). La question que je me pose, c’est: est-ce que Malcolm Lowry avait eu, lui aussi, des clips de Billy Idol en écran géant, ou juste, il se la donne avec ses histoires de Mezcal, tout en censurant les aspects qui font pas assez alter?
(oh, et qu’on ne m’explique pas que Lowry écrivait dans les années 40, à ce que je sache, un delirium tremens au Mezcal devrait permettre de voir Billy Idol 50 ans même avant son existence).