Je me demande à partir de quand, on se considère comme “parisien”. Le cliché de la “geekette, parisienne attachiante” a vécu. Il fallut vite se rendre à l’évidence. Les “geekettes” ne l’étaient que parce qu’elles avaient acheté un macbook (vérité établie en 2009). Le parisianisme était lui aussi un peu bradé, souvent hérité d’un stage de fin d’études, d’une licence à la sorbonne ou extrapolation à partir d’une villégiature en banlieue (ce qui aurait pu être mon cas, mais j’aime tellement ma banlieue que je l’ai toujours brandie, avec plus ou moins de second degré d’ailleurs – et j’aime pas trop Paris, c’est une allégeance que j’ai du mal à avoir).
Pourtant.
A New York, par exemple, l’identité new-yorkaise fonctionne sur un seuil. Vous savez, il n’y a que très peu de “new-yorkais nés à New York, installés ici depuis plusieurs générations” – je travaille sur ces “new-yorkais de souche”, en ce moment, d’ailleurs, et j’aime mieux vous dire qu’ils sont une aberration qui ne pourrait pas être plus éloignée de l’image que Gotham cherche à renvoyer d’elle-même. Par exemple, ce sont des individus dont la famille était présente dans la région depuis l’an de grâce mil six cent vingt-six, qui m’ont dit que Chelsea et le Meatpacking craignaient un max, qu’on risquait de s’y faire égorger par des drogués en manque. Je crois qu’ils étaient restés au New York de Cruising, et n’avaient vu ni les épisodes de Sex and the City où Samantha Jones s’insurge contre la gentrification du Meatpacking, ni les statistiques de Rudy Giuliani, après qu’il a vidé Manhattan de ses clochards (un bonhomme très à l’écoute, ça). Quoiqu’il en soit, un jour, Clément m’avait parlé du théorème de trois ans, qui veut qu’on se lasse très vite de New York – j’en avais parlé là, c’est une ville qui ponctionne l’énergie vitale à une vitesse extraordinaire. Ainsi donc, le “vrai” new-yorkais était celui qui y habitait depuis plus de 3 ans. Certains préféraient brandir 10 ans, comme limite de citoyenneté urbaine. Quoiqu’il en soit, le certificat new-yorkais se compte en années et peut venir assez vite.
Et donc, à partir de quand devient-on parisien?
Cet été, j’ai expérimenté quelque chose d’intéressant. Bien décidée à passer mon été dans la grande ville, espérant profiter de son rythme ralenti, je crois que je n’en avais pas vraiment compris la portée. Je crois que j’ai eu l’audace de penser que je resterais moi-même pendant que Paris fonctionnerait à un rythme alternatif. Puis je me suis démis le genou, lequel a cristallisé sur les mains du kiné qui essaie de le rétablir depuis presque un mois. J’ai eu le cerveau sous la ceinture pendant un mois. Mais très en-dessous, au niveau du genou droit sus-mentionné, justement. Le prochain qui m’explique que ça passera en CINQ jours, je lui fais manger mon attelle et mes béquilles, assaisonné de mes cataplasmes d’argile verte. Putain, un mois. Un mois pendant lequel j’ai aussi changé d’échelle. Sans métro, Paris, c’est vite devenu le 13e arrondissement, le 13e arrondissement est devenu la Butte aux Cailles. Mon quartier est alors entré dans la quatrième dimension, celle de la léthargie. Impossibilité de trouver une boulangerie ouverte, de prendre un petit crème en terrasse, de consulter le large choix de restaurants qui caractérise usuellement la butte. Assez naturellement, j’ai repris le chemin des activités d’antan (les meilleures).
Et puis un beau jour, quand, un 29 août, ma jambe a fini par accepter de s’articuler à peu près normalement, je décidai de remiser ma béquille. Deux jours après, j’étais quasiment guérie, ce qui s’est avéré être pile le moment où le café en bas de chez moi avait rouvert sa terrasse. Je pouvais de nouveau acheter ma baguette chez mon boulanger préféré, et la rue de la Butte aux Cailles était de novo surpeuplée le soir. C’était la rentrée, j’étais remise, le mois de septembre pouvait commencer.
Pour parachever le tout, j’ai essayé d’aller au Disneyland du parisianisme avec Mélanie, et d’afficher une bored face juste derrière Yann Barthès (je ne comprends pas, vraiment).
Peut-être que devenir parisien, c’est finir par ne faire qu’un avec la ville. La symbiose, vous savez.
Vous êtes né à Paris ? — Oui. — Vous y avez vécu combien de temps ? — Vingt trois ans sur vingt quatre. — Et ça vous fait quoi ? — Bof je sais pas.
Fin de mon témoignage sur l’identité parisienne.
Ahah je crois que mon ex aurait pu faire exactement le même témoignage!
En ce début septembre 2011, ça fera tout juste 10 ans que j’habite à Paris…
Et bien je me perds encore dans mon propre quartier ! C’est dire mon niveau d’appartenance à cette ville que, par ailleurs, j’aime d’amour…^^
Mais ton quartier est complexe, il faut dire!
c’est marrant, au début où j’habitais Paris, je suis aussi allée à un enregistrement tv (bon c’était plus ashamed, et j’avais été reléguée au dernier rang n’appartenant pas à l’agence Idylle).
être parisien, c’est peut-être justement ne plus se poser la question et accepter Paris dans son intégralité, ses métros bondés et puants, ses terrasses surchargées, ses quartiers déserts en août, le franprix comme unique solution d’alimentation, l’arabe du coin à minuit, et les livraisons de sushi en 10 minutes.
Han, Ashamed, c’était quoi, déjà?
“ne plus se poser la question” – could be, ouais…
je crois que ça s’appelait “union libre” c’était présenté par Karine Le Marchand, y avait des chroniqueurs des pays d’europe et l’invité c’était Faudel, wouhouh, trop fun quoi ;-)
Union Libre, c’était pas Christine Bravo? Avec Ilario Calvo qui représentait l’Italie et Nikos Aliagas qui représentait la Grèce? Le fun, indeed!
c’était la 1ère mouture, oui. après ce fut nagui, puis karine le marchand, puis le crash de l’émission. et nikos était parti en même temps que christine bravo.
ça me rappelle que quand j’ai participé à l’émission pyramide (bien plus jeune et encore provinciale) , je n’ai jamais été diffusée puisque l’émission a aussi crashé.
télévisuellement, je dois porter la poisse :D
Être parisien ce n’est être ni bobo, ni branché, ni bcbg, ni bourgeois, ni rien qui commence par b.
C’est vivre toute sa vie dans un 30m² en rêvant d’une maison à la campagne mais ne jamais y aller par peur de s’ennuyer. C’est être étonné quand un serveur dit bonjour mais le maudire quand il met plus de 2 minutes à venir. C’est de trouver super qu’il y ait tout le temps du monde et de la lumière dehors. C’est savoir faire des créneaux à une main en deux coups de volant mais de ne pas avoir de voiture. C’est mettre 45 minutes pour aller chez des amis en métro et trouver ça normal. C’est ne pas se demander si le franprix d’en bas est ouvert un dimanche. C’est aller à la boulangerie à n’importe qu’elle heure sans se demander si il va encore y avoir du pain. C’est devenir défenseur des parisiens à force d’entendre “parisien” comme une insulte dans les bouches de provinciaux. etc … (je peux en faire deux copies doubles).
Si je veux être vraiment tout à fait honnête, je dois reconnaître que j’ai surtout posé la question pour dire que je me suis retapée physiquement pile au moment où les commerces de mon quartier ont rouvert ^^
Ce que tu dis rejoint l’idée selon laquelle être parisien, c’est avant tout ne plus se poser la question (idée évoquée par Cracotte ci-dessus, et que je rejoins volontiers) – même si je n’ai, de toute évidence, pas la même vision de Paris que toi ^^.
Mince… Je pense que je suis parisienne.
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