Oh boy oh boy, je viens de revoir Stand By Me (ha oui, j’ai grillé toutes mes cartouches “films de Noël” cet été pendant ma convalescence), ce sentiment de nostalgie pour une époque et un pays qu’on a jamais connu (car il n’existe pas vraiment hors des souvenirs romancés d’un brillant auteur) m’épatera toujours.
On a longtemps conspué l’américanisation de la culture, les conséquences de l’aide Marshall, des tablettes de chewing-gum données par les boys à la Libération, jusqu’à l’introduction d’Halloween dans nos contrées. Maintenant, les nouveaux coupables ont cessé d’être Coca-Cola ou McDo (devenus plus ou moins vintage, i guess), pour devenir Facebook ou Apple.
Pourtant, j’ai l’impression que l’Amérique en France se loge parfois moins dans la mondialisation que dans la reprise de cette Amérique de carte postale. Celle qui, avec un filtre ad hoc donnera l’impression à n’importe quel péquin de “faire de la photo” (alors que non, c’est juste que tu as un iPhone et que tu tortures Instagram, been there, done that, gotten the t-shirt).
Preuve par l’exemple:
Fait plutôt cocasse, cette Amérique des magazines, je l’ai surtout rencontrée en allant vers l’Ouest. Au début, ça m’a fait tiquer: c’est donc en “France profonde” que l’on exhibe l’Amérique comme objet mythique et pas du tout digéré. Dans le hors-champ de la photo ci-dessus, vous trouverez des affiches d’un concert de Blondie à New York fin ’70s, une photo de Bob Dylan, un poster de James Dean, accollés à des affiches de campagne pour Obama, des reproductions de Superman, des images d’archives de beauty pageants des années 60 et j’en passe. Le tout dans une atmosphère de nourriture bio servie avec du ketchup et de l’English mustard. So fetch. Je trouvais tout ça un peu contradictoire, dans le fond. N’y a-t-il pas un pari audacieux, à vouloir ouvrir un diner-à-instagram (ou hipstamatic, ne soyons pas sectaires) dans l’Eure, à une heure de bagnole d’Alençon? Ca semble très absurde.
Ou alors au contraire.
C’est qu’a priori, cette Amérique un brin poussiéreuse revisitée en France, c’est pas fringant fringant…
J’en veux pour preuve cette manifestation ringardos (ergo: siiiiiii chouette <3) au printemps dernier (lieu: banlieue zone 6 carte orange, plus de 6€ le ticket de métro, dis). J’étais allée à ce “rallye rétromobile” – qui n’était rien d’autre qu’une occase en or pour des fans de Johnny d’exhiber leur Chevrolet ou leur Chrysler, spécialement briquée pour l’occasion.
Au passage, un cours de line-dance était proposé aux badauds (attention déprime):
Car comme l’enseigne la sagesse populaire: un dimanche où l’on apprend à danser la country est un dimanche réussi.
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Puis hier, ça a tilté en moi comme une évidence.
Chevy de collection, faux stetson, diner, linedance, Verneuil-sur-Avre, zone 6 et Grand Ouest sont devenus cohérents l’un avec l’autre.
Le mec qui a ouvert le diner ci-dessus vient certes de Paris et a vécu aux Etats-Unis. Et j’imagine que pour lui, c’était soit ouvrir un truc rutilant pour faux hipster à Paris (ugh), soit ouvrir un rade dans l’esprit de ce qu’il connaissait (enfin à ce qu’il dit, surajouté au cours de l’immobilier, si vous voulez mon avis). Mais dans le fond, y a pas plus américain en France qu’un endroit comme l’Eure. Pas plus texan, du moins – enfin, une version bruineuse du Texas, mais vous voyez l’idée, mâtinée de champs, de vaches et de villages-rues déprimants. Come to think of it, quelle est la clientèle d’un diner aux Etats-Unis? Certainement pas les branchay new-yorkais, non. Chacun sait que les plus beaux de ceux-ci se trouvent dans les contrées reculées de l’Union. Oh bien sûr, il y en a de jolis et pas chers en ville, comme par exemple le Kellogg’s Diner, fraîchement repimpé il y a 3-4 ans à Williamsburg à une encablure d’Union Pool.
Mais le Kellogg’s Diner, le Brooklynite sait que si c’est joli, c’est dégueu, et qu’à moins d’avoir besoin d’un burger pour éviter d’avoir trop la gerbe à 4h du matin, tu évites. Non non, les vrais diners “art de vivre”, c’est plutôt provincial à tendance rurale. Dans l’Eure des Etats-Unis, donc. Depuis cette épiphanie au diner de Verneuil-sur-Avre, c’est fou ce qui se produit en moi: à chaque fois que je me retrouve sur la route pour aller voir Papy et Mamie dans l’Orne, j’ai l’impression d’aller en Amérique.
La crise, la chute d’American Airlines et les aléas de la vie aidant, ça fait un an et demi que j’ai pas posé un orteil sur le sol américain (c’en est un peu douloureux, je dois reconnaître). En ce noël 2011, retrouver l’Amérique dans le sud de la Normandie, c’est un beau cadeau que me fait la vie, vous savez.
Je veux la voir, et je l’aurai.
Et comme d’hab, “Si Roland Barthes réécrivait ses Mythologies aujourd’hui, il consacrerait certainement un chapitre à…”, etc.
Héhé – comme d’hab, ça me fait bien plaisir :)
Han, c’est toi fetch!
L’été 2005, je revenais d’une année en Espagne, j’avais pas trop de thunes et je m’apprêtais à passer une année pas très fun niveau épanouissement social (agrégation, j’écris ton nom) alors mes mois de juillet et août, je comptais en profiter. Avec deux potes, on avait pas le moindre plan de vacances bandant à l’horizon. A croire qu’on était les seuls demeurés à pas avoir de villa en corse ou de billets payés 3,57 euros pour la Croatie. Mais on avait du temps et une caisse pas trop déglinguée. On s’est dit qu’on allait se faire notre road trip sur les routes de France (qui traversent la bourgogne et la provence, qui font de paris un p’tit faubourg de valence, tout ça.) Bref : MAGIE DES NATIONALES, nous découvrîmes des coins improbables, cocasses, beaux, et, dans le fond, plus branchés que la plus branchée de tes copines, mais dans le trou du cul de Village-sur-Fleuve. Depuis, souvent quand des gens me disent “han mais comment j’aimerais trop me faire un road trip en bagnole aux usa” mais sans avoir derrière la moindre vraie passion pour le pays, la culture, je demande : mais tu l’as déjà fait en france? En général, ça met un silence gêné. Alors que y a pas à. Je pose la question au premier degré. J’espère que tu verras pourquoi je trouve que cette anecdote à un rapport avec ton post. :)
Je trouve cette anecdote très en rapport avec mon post, en effet, et ton commentaire très chouette! :)
Je crois que je suis d’accord, après un road trip de 6 semaines aux US, et une escapade de 3 jours en Normandie ;)
Seal of approval ultime alors! :)
Euh, c’est quoi cette pub Carrefour Banque à la fin de ton post ??
Quelque chose que je ne vois pas, je ne peux donc malheureusement pas te répondre :-/
il y a un diner américain tout pile comme celui là qui a ouvert à deux rues de chez moi en septembre (wild wild west !). j’y suis allée il y a deux semaines après avoir tout entendu (“c’est cher”, “c’est trop bon !” “c’est pas terrible”, and so on). Ca coûte un peu un rein (le coca à 3€20, la part d’Oreo Cake à 7€, et minimum 10 ou 12€ le hamburger) (mais l’Oreo Cake le valait tellement), mais c’est rigolo. Par contre je pense que le patron vise une clientèle radicalement différente de celle qu’on peut trouver dans l’Eure, vu qu’il s’est implanté en plein centre-ville au milieu des étudiants et des lycéens qui s’habillent chez Kooples, et que les prix sont franchement prohibitifs. J’ai des doutes sur le potentiel du hamburger de luxe un peu branchouille…
Ce que tu décris, ça correspond aux échos que j’ai des diners parisiens, des espèces de trucs overpriced et surévalués – note qu’hier j’ai trouvé des M&M’s peanut butter, mais à 3€ le petit paquet (le même qui est vendu 1$ aux US). Le mec de l’Eure, à mon avis, il pense bien des choses de the Kooples et des centre-villes. C’est pour ça que je trouve son rade fantastique, je crois bien…
Désolé, je commente après la bataille mais, quand j’ai lu ton billet la première fois, ça m’a fait immédiatement pensé à un truc : l’impossibilité qu’ont les réalisateurs/décorateurs à reproduire à l’écran un pays quand leur film est tourné dans un autre. Par exemple quand on essaye de reproduire Paris dans un studio de Prague ou New York à Montreal. Dans 95% des cas, c’est raté : il manque un truc ou, au contraire, il y a beaucoup trop – comme dans ton “Diner” de l’Eure. Notamment, pour une raison que j’ignore, tout le monde pense qu’en ajoutant un drapeau dans le décor, on va tout de suite penser que ça se passe dans le pays du drapeau. Dans le film Hooligans, par exemple, dans la scène finale censée se dérouler aux Etats-Unis mais visiblement tournée en Angleterre (comme tout le reste du film), ils avaient rajoutée des drapeaux US sur toutes les devantures de bâtiments. Normal, quoi !
Bizarrement, dans le genre, un film comme “Qui a tué Pamela Rose” faisait un bel effort. Mais le film se déroulant majoritairement “à la campagne”, ça rejoint ce que tu dis : “Mais dans le fond, y a pas plus américain en France qu’un endroit comme l’Eure. Pas plus texan, du moins – enfin, une version bruineuse du Texas, mais vous voyez l’idée, mâtinée de champs, de vaches et de villages-rues déprimants.”
C’est marrant ce que tu dis, en fait, ça me fait penser à une réflexion que je me faisais à Philadelphie. L’endroit où j’aimais beaucoup aller, c’était PARC, le “bistro français”, qui avait développé otut un decorum “so frenchy”, avec son aspect de bistro des années 50, Edith Piaf à fond, eggs en cocotte au menu et du bleu blanc rouge partout. Ca avait un certain charme cette recréation folklorique si… fausse, finalement. Et c’est la même chose que j’aime bien dans ce diner. LE cadre dans lequel il est est très américain bruineux, mais l’endroit en lui-même a un côté “Parc américain en France”.