Gender Bender

Quand Frédéric, qui tient le site Films de Lovers, m’a proposé de participer à un échange concernant la fin de Pride and Prejudice de Joe Wright, j’ai crié “Banco”, y voyant l’occasion d’à nouveau gloser sans fin sur ma deuxième passion après les teen-movies (et les stickers Dinosaurus – donc ma troisième passion), à savoir les period dramas. J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises sur cette page, et il me reste encore à vous infliger mon ressenti sur Le Journal de Bridget Jones (spoiler: c’est dithyrambique) mais là n’est pas la question.

En un mot rapide, bien que bénéficiant d’une adaptation quasi-définitive depuis 1995 et Colin Firth en chemise blanche mouillée sur torse musclé, Pride & Prejudice de Jane Austen a été réadapté par Joe Wright pour le grand écran, avec une démarche de massacre de l’oeuvre originale pouvant conduire à tout moment à son émasculation par une fan un peu vénère. Mais c’est pas trop grave parce que la photo est jolie, et on se laisse porter.

Sauf à la fin, où une scène a été ajoutée pour le public américain.

Clic salope, pour en savoir plus sur ladite scène et deux analyses possibles de celle-ci.

En regardant les arguments de Frédéric et les miens, puis en lisant les réactions à l’article sur Twitter, j’ai interloqué. Les personnes rejetant cette fin alternative en se pinçant le nez sont majoritairement des femmes (lectrices de Jane, if you ask me), et celles qui aiment cette fin à la guimauve sont plutôt des hommes. C’tintéressant puisque, nonobstant le préjugé selon lequel les romances visent un public principalement féminin (cliché que le site de Frédéric contribue à retourner contre un mur, et je l’en remercie, bisous), c’est intéressant, donc car cela montre aussi que le public masculin des films romantiques est incroyablement plus décomplexé (cinq ans plus tard, rebirth de l’adjectif qui fait mal).

Et ça m’a rappelé la première fois que j’ai crié mon amour pour les period dramas sur ce blog, je me sentais un peu gauche, un peu coupable. C’était il y a un peu plus de deux ans, via ce post, et j’y allais un peu ventre à terre, de peur de devenir cette blogueuse fifille qui aime les films romantiques parce que les hommes y sont polis et les femmes ont des jolis cheveux (je maintiens que c’est à 72% motivé par les cheveux des nanas, ceci dit). Je me rappelle ce commentaire en termes de “joues rosies”, de “gant retiré doucement pour effleurer la peau” qui m’avait prodigieusement agacée alors que Clément l’avait trouvé formidable. Il m’avait dit quelque chose comme “waah ce commentaire est fantastique, ça permet de vraiment voir comment opère le charme de ces productions”.

Loin de moi l’idée de tomber dans le biais niais à la Comptoir des Cotonniers cet été (souvenez-vous, ce post qui disait que “nous les filles, on comprend rien à la bédé parce qu’il y a trop de guerre et science fiction”, ie. il y a des productions de filles et le reste). Bien au contraire ; si les différences entre hommes et femmes sont socialement construites (a clue : elles le sont), visez un peu cette mécanique perverse qui nous pousse à trouver mille justifications intellectualo-analytiques pour aimer une putain de guimauve filmée en magic hour avec Keira Knightley en robe longue ou Colin Firth à l’œil sémillant… Tout ça pour échapper au quasi-suffixe “de fille”.

Tu vas voir que demain, le public visé privilégié pour les rom-coms et les films à l’eau de rose sera à 95% masculin, si ce n’est déjà le cas, et ça, mon petit Bret Easton Ellis, c’est totalement post-Empire.

9 thoughts on “Gender Bender

  1. Je pense que les “garçons qui aiment les films romantiques” reste quand même une niche. Et évidemment, c’est parce que j’en fait partie (represent !) que je dis ça. C’est peut-être une niche un peu sur-représentée dans certains “cercles” de Twitter mais une niche.

    Quant à la fin “alternative” de Orgueil et Préjugés, j’avoue l’avoir découvert ce matin avec votre débat sur FDL.

    Je ne suis pas énorme fan du film de Joe Wright (et des period drama en général – même si j’adore Raisons et Sentiments de Ang Lee) mais j’avoue trouver assez ridicule cette fin alternative.

    • Les plus grands mouvements culturels commencent avec une minorité visible, non ? Je veux y croire^^
      Quant à cette fin alternative… ugh…

  2. Je suis un garçon et j’adore les films romantiques (et je me suis mis il y a peut aux period drama) mais je rejoins Michael pour le coté niche. En dehors du web je connais très peu d’homme qui partage ma passion. C’est dommage mais je pense que c’est d’abord due à la com faite autour de ce genre de film.

    • La comm’ vise des publics féminins, oui, ce qui ne signifie pas que ce soit le seul public potentiel de ces productions, d’ailleurs. Je suis d’accord que c’est sans doute une niche mais la beauté de l’Internet est de rendre cette niche plus visible. Et en soi, c’est pas à négliger, je pense, parce que si on se rend compte qu’il existe un public masculin, on cesse de catégoriser les rom-coms & romances en films “de nanas” (pour moi c’est une avancée énorme, en fait).

  3. Ah ah, merci tout d’abord d’avoir bien voulu jouer le jeu ! ;)

    Je rebondis sur ton dernier point à propos du public privilégié pour les roms-coms et si tu regardes bien les dernières roms-coms américaines des 5 dernières années, elles sont de plus en plus orientées vers les mecs et cela se traduit de façon obligée par une vulgarité plus prononcée, que ce soit au niveau des dialogues ou dans les situations rencontrées par les protagonistes. Un léger glissement de la rom-com vers la bro-com qui oublie l’eau de rose pour l’eau de pet.
    Moi, je déteste ce glissement mais c’est très très bien explique dans cet article du Guardian (http://www.guardian.co.uk/film/2012/feb/11/rom-coms-end-of-affair) qui est de loin l’un des trucs les plus intelligents que j’ai pu lire sur l’état de la rom-com depuis un bon bout de temps.

    • Ouais mais ça c’est une erreur de comm’, alors. Parce que ce qui m’intéresse, moi, c’est que l’eau de rose, les violons et les larmes de crocodile visent aussi un public masculin (comme toi, d’ailleurs) autant que féminin, et j’avoue trouver ça super de sortir enfin d’un cliché un peu niais hommes/femmes à ce sujet. J’avais noté ton lien du Guardian, pas encore lu mais instapaper’d ^^

    • Ah mais tout à fait! La janeite la plus terroriste et la plus intransigeante que je connaisse sur ce point (ma mère) a détesté le film de Wright et ne supporte plus Keira Knightley, depuis. Mais dans le fond, c’est un film tout à fait agréable à regarder, pour moi (sauf cette fin alternative, mais c’est même pas tant par rapport au livre que dans l’économie du film lui-même que ça passe pas, je trouve) ; d’ailleurs, écrire dessus m’a donné envie de le revoir :p

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