Based on a true story.

Les jeux de parallèle entre réalité et fiction sont souvent décevants à faire : on se rend compte que les personnes réelles sont moins belles, que les mots échangés sont plus plats, que la temporalité est moins parfaite.

Quand Before Sunrise est sorti en 1995, Richard Linklater avait accompli l’exploit de montrer une expérience aussi onirique qu’elle était réaliste, chopant beaucoup d’idées à la littérature, notamment à Joyce, touchant à l’universel avec ce one-night stand sur fond de carte Eurail. Il avait tout de même assez rapidement reconnu que l’idée de départ avait germé lors d’une expérience similaire qu’il avait vécu à Philadelphie en 1989 avec une jeune femme nommée Amy Lehrhaupt.

Dans Before Sunset, Jesse, le personnage d’Ethan Hawke, en crise et obsédé par cette nuit d’amour parfait, écrit un livre dans l’espoir un peu inavoué que le livre conduira Céline à une de ses lectures et leur permettra de se revoir, neuf ans plus tard. Le parallèle avec Linklater est, une fois encore, limpide, ayant lui-même reconnu récemment qu’il espérait que ses films conduiraient Amy Lehrhaupt à le contacter.

Et puis, parce que “inspiré de faits réels”, ça a ses limites, Jesse et Céline ont eu leur propre destin, nourri également par les expériences personnelles et par les personnalités d’Ethan Hawke et Julie Delpy. Le plot-twist de l’improbable, détaillé dans cet article de Slate US, et que Linklater n’a appris que bien plus tard, c’est que Lehrhaupt est morte quelques semaines avant le début du tournage de Before Sunrise, en 1994, sans jamais soupçonner qu’elle était à l’origine d’une des plus touchantes sagas romantiques de l’histoire du cinéma.

L’histoire de départ était bien plus banale que celle de Jesse et Céline (et Linklater tentait un brin de la corriger avec ses films). Elle devient d’un coup encore plus romantique qu’une putain d’Affair to Remember au croisement de Love Story, avec un petit sous-texte star-crossed lovers. Ainsi, le pire tire-larmes de Before Midnight, troisième volet de cette trilogie d’un autre genre, c’est le carton final, qui, très sobrement, dédie le film à Amy Lehrhaupt.

Alors en effet, jouer au jeu des sept erreurs entre fiction et réalité est souvent décevant. Mais quand fiction et réalité sont à ce point entremêlés, et se nourrissent mutuellement, se transfigurent l’un l’autre, il faut reconnaître que c’est un peu fascinant.

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(j’alimente si peu ce blog que j’en suis réduite à faire des reblogs d’autres plateformes. je ne sais pas trop si je devrais en avoir honte, ou me féliciter de tenter le tout pour le tout pour faire vivre cette page)