I Can Still Recall Our Last Summer

Tant qu’on est dans les contes de fées et puisque c’est les vacances, ça a beau faire plusieurs années que les studios les plus heureux du monde tournent autour du pot, ça fait foutrement plaisir de voir un Disney de Noël éclater son propre paradigme et proposer une de ses meilleures autocritiques à ce jour.

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J’ai beau aimer un Disney de Noël comme mon prochain, difficile de ne pas pleurer des larmes de sang devant ce trope d’un autre temps, qui entretient les plus jeunes générations dans l’idée qu’une fille est née pour espérer avoir une tiare sur la tête et un mâle alpha entre les cuisses après avoir été sauvée des griffes d’une méchante reine-ou-sorcière par ledit mâle alpha. Pas gêné pour deux sous, le studio avait même créé la franchise “Princesse Disney” circa la fin des années 1990, ce label ultra conservateur servant de justification à fourvoyer toutes les héroïnes Disney et les gamines qu’elles sont supposées séduire dans une persona de pouffe matérialiste.

Certes, on nous serine depuis plusieurs années que Disney joue avec les codes de ses propres clichés ; pourtant, ça coinçait toujours plus ou moins aux entournures. Quatre ans qu’on essaie de nous vendre, soit une héroïne émancipée (celle dont le rêve est de travailler et d’ouvrir son propre resto, celle qui veut s’habiller et se battre comme un homme), soit un prince inutile, tendance branleur baratineur (dans la Princesse et la Grenouille, après le “true love’s kiss,” trope Disney bien connu des adulescents de la période de Noël, l’héroïne devient elle aussi crapaud et non l’inverse). Le problème de ces premières tentatives d’émancipation d’un schéma narratif qui fait quasiment partie du code génétique des studios Disney, c’est que justement, code génétique oblige, la chute de ces histoires revient toujours peu ou prou à l’idée que le “vrai” bonheur a forcément quelque chose de matrimonial et que, bless their heart, les prémices décalés de ces histoires ne sont que le glaçage XXIe siècle d’une morale d’Ancien Régime. Si les postulats de départ bousculent un peu les codes du genre, le plot-twist consiste à révéler aux héros que leur vrai, ou nouveau, rêve n’est autre que le “happily ever after.” “You were my new dream,” murmure Flynn à Raiponce, eh bah oui.

Dans Frozen [spoiler alert and shit], on y arrive enfin un peu, avec une situation inversée, où cette fois, la princesse essaie de sauver la méchante reine, et où le prince charmant n’est rien moins que le méchant du film. L’économie narrative va même plus loin, en écartant ouvertement et définitivement le “true love’s kiss” des possibles résolutions du problème. L’aboutissement de la quête de la princesse n’est donc plus celle d’un mariage d’amour mais celle d’une vie épanouie aux côtés de sa frangine (et franchement, un film qui t’explique que l’aboutissement d’une quête initiatique, c’est de faire du patin à glace, comment ne pas fondre, justement ?). Empowerment for kids, les Spice Girls auraient kiffé.

Ça fait de Frozen, en dépit de ses multiples défauts, un Disney assez brillant. En tant qu’adaptation de conte, c’est nullach’ (Andersen aurait pleuré, mais j’ai toujours eu tendance à penser qu’évaluer un Disney à la lumière du matériau d’origine était proche du contresens)(bizarrement d’ailleurs, la chose qui se rapproche le plus d’Andersen ici, c’est le personnage d’Olaf, ce bonhomme de neige loufoque rêvant d’été qui n’est pas sans rappeler le bonhomme de neige du conte éponyme d’Andersen, qui rêve de faire une sieste auprès d’un poêle à bois) ; en tant qu’histoire de princesse envisagée dans l’économie interne des films Disney, c’est formidable.