Royals and fans

Vous vous rappelez l’époque où on découvrait les sobriquets donnés aux stars pour ado (LiLo, R-Patz, K-Stew, la façon dont K-Fed, le mari de Britney Spears, avait été rebaptisé Fed-Ex après leur divorce) ? Et celle où on donnait des sobriquets-valise aux couples de stars (TomKat, Brangelina, Jelena, Taylor2) ? Cette période intronisait un peu une culture du gossip où menus scandales, rails de coke et wardrobe malfunctions prenaient le pas sur les productions culturelles des stars pour évaluer leur célébrité. J’en avais parlé à propos de LiLo y a un million d’années, mais les choses ne sont pas arrêtées là.

C’est au tour des fans de profiter des éclats de célébrité de leurs idoles pour faire partie (un peu) du starsystem. Être fan n’est pas vraiment un phénomène nouveau et, à vue de nez, c’est un détail sans intérêt (voire consternant pour ceux d’entre nous qui ont le jugement un peu prompt)(je vous vois) mais je trouve ce lexique fascinant pour ce qu’il dit de la culture de la célébrité chez des “jeunes adultes”. Plutôt qu’être réduits à une masse informe dont on se moque gentiment dans des reportages bien pensants, ces groupes de fans se définissent tellement par leur amour pour une (ou plusieurs) idoles qu’ils en ont fait leur patronyme d’adoption sur tous ces forums et réseaux sociaux où leur existence semble faire plus de sens que la “vraie vie”. Le choix d’une nouvelle famille, en quelque sorte.

Forcément, j’avoue que le lexique pop qui, bon an mal an, commence à s’imposer, me réjouit de plus en plus. Une vraie novlangue. Ergo, ce pense-bête à l’usage des profanes :

– Belieber

bieberwindow

(au départ, tout est de sa faute)

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– Directioner

1DKissYou

(et aussi un peu de la leur)

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– KatyCat

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– Little Monster

(mais faut reconnaître que, maintenant, on les appelle de plus en plus des "haters")

(mais faut reconnaître que, maintenant, on les appelle de plus en plus des “haters”)

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– Mixer

little_mix

(pour les fans de Little Mix, ce girlband anglais, vulgaire et choupi)(un pléonasme, on est d’accord)

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– Selenator – le sobriquet le plus explicite pour rappeler que les starlettes pour enfants sont des machines de guerre.

selenaclub

(sincerely yours…)

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Smiler – Le sobriquet le plus choupi revient à celle qui essaie désespérément de s’imposer comme la resident bad girl de la pop adolescente. Hier encore, elle postait sur instagram une photo d’elle qui pourrait avoir été piquée à Madonna en 1987. Pour rappel, Miley Cyrus s’appelle, sur son état civil, Destiny Hope. “Miley”, c’était au départ un surnom parce qu’elle était souriante (pourtant, fallait voir ses ratiches à l’époque).

mileyhannah

(maintenant elle tire la langue, mais ses fans restent “souriants”)

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– Swifter

taylor dance

(ça me fait quand-même un peu mal que l’appel du pied à un balai avec détergent intégré soit si fort)

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Pendant ce temps, prise dans une célébrité naissante au beau milieu de ce phénomène pop-bubblegum, Lorde refuse d’aller dans le même sens et d’amasser ses adorateurs en un tout informe qui s’appellerait les “Disciples” ou tout autre jeu de mots zarbi et déshumanisant: “I find it grating to lump everyone into a really awkward, pun-centric name. People joke about it on Twitter, ‘You should call us The Disciples. Never! I have discouraged it. I’ve tweeted multiple times, ‘No fan name, I do no condone this.’”

 

Atta girl. C’est comme si, en demandant à avoir leur surnom homologués, les fans de Lorde demandaient une existence. Et si peu de temps après la sortie des premiers titres de celle-ci, c’est censé être une forme d’adoubement pour Lorde – dis-moi qui sont tes fans, je te dirai si tu es quelqu’un. Mais faut aussi reconnaître que, par un effet d’aller-retour assez subtil, avoir des fans qui s’identifient par un surnom couillon, c’est perdre en street cred’ et se retrouver classifiée “starlette pour pisseuses” sans possibilité de passer par la case départ et de toucher 20.000 francs. Malgré son jeune âge, Lorde fait des titres suffisamment matures et transgénérationnels pour ne pas avoir besoin de ce type de classification. Classieuse Lorde. Rabat-joie aussi.
Mais alors, cet état civil virtuel, ça veut dire qu’être fan, c’est perdre son identité ou au contraire l’étoffer et la complexifier? J’ai pas de réponse, mais je salue cette génération pour sa créativité.

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La prochaine fois, je vous parlerai de Zotero, vous êtes prévenus.