Lola, c’est le demi-chat de ma mère (c’est-à-dire qu’elle a la garde partagée).
Au départ, c’est un chat sauvage. Abandonnée dans un parc à sa naissance, sans doute.
A environ 1 an, elle fait sa première portée. Quelques mois plus tard, un de ses petits lui fait sa deuxième portée.
C’est à ce moment qu’elle se planque sous notre immeuble. Elle est recueillie par des voisins, ceux du rez-de-chaussée, ils la stérilisent et l’adoptent plus ou moins. Quand ils déménagent, elle refuse de les suivre. Elle revient dans l’immeuble.
Seulement, minuscule chat de gouttière qu’elle est, Lola se fait régulièrement courser et castagner par les autres chats de la résidence.
Ma mère et une autre voisine, celle du 2e, se la partagent pour la protéger au moins la nuit. Elle apprend à être domestiquée, à fréquenter une litière et à se nourrir de croquettes.
Maintenant, elle est protégée aussi le jour, parce que depuis 3 semaines, en plus d’être persécutée par l’ensemble de la population féline du quartier, elle s’est empoisonnée, et ça a déclenché de l’épilepsie chez elle (le vétérinaire de ma ville est devenu très riche).
Voilà. C’est une histoire de chat et j’aime pas les chats. Moi vivante, je deviendrai jamais une fille à chat. Cela étant, c’est une histoire de quartier, dans une banlieue de classe moyenne, ça change.
Et surtout… Abandonnée, violée, incestuée, persécutée, empoisonnée, recueillie… quand je regarde ce chat, j’ai l’impression de lire la version féline d’un roman de Victor Hugo.
Juno.
J’ai été surprise, en lisant les réactions au film et autres critiques que personne n’ait soulevé ce point essentiel: Juno est LE film d’amour par excellence.
C’est pas un grand film de taré, n’est-ce pas. Je dirais plutôt que c’est un petit film indie qui se laisse voir, le genre agréable comme une bonne crêpe à la confiture (ça c’est parce que c’était la Chandeleur il y a peu, comme ça, c’est du 2 en 1)
Ma théorie:
Tout le monde fait de Juno le miracle américain, le nouveau Little Miss Sunshine (autre nom pour “film indépendant mais drôle et bien”). A mon avis, ce petit film certifié “indie us” est avant tout un vrai film d’amour avec des sentiments mais pas trop dégoulinants. Déjà parce qu’il y a bêtement dans la trame une love-story entre deux adolescents, qui se cherchent, se déclarent, se disputent, tout ça. Mais aussi parce que l’amour est l’énergie vitale de ce film. L’intérêt du film est en effet double.
– Cette énergie, l’amour, donc, provoque la situation initiale (la fille enceinte). Elle entretient également une harmonie doucereuse plane sur tout l’univers de Juno car foncièrement, les personnes qui évoluent autour d’elle s’aiment et ne se veulent pas de mal. C’est ce qui permet de comprendre l’indulgence désarmante de sa famille face au “drame”. La légèreté de ses amis. La constance de son “meilleur pote amoureux”. La perfection affichée et assumée du couple de parents adoptifs (que Juno choisit d’ailleurs parce qu’elle les trouve beaux). Le bagout de la belle-mère manucure face à la crypto-attaque de l’échographiste. Bref, tout un petit monde s’anime autour de l’ado en cloque, un monde de gens qui s’aiment. Le véritable drame ne survient pas lorsque que miss Sunny-D découvre sa grossesse, mais quand ce cercle vertueux et positif est brisé par celui qui choisit de n’être ni courageux, ni amoureux, ni altruiste. Celui qui choisit d’être normal, quoi, le vrai personnage en crise de ce film. On se rend compte que cet univers idyllique, ça n’existe que dans l’enfance. Et qu’être adulte implique d’être confronté à des réalités moins roses et d’assumer la responsabilité de ses actes et de ses choix. Juno, c’est juste une ado un brin immature qui a encore de beaux jours à vivre sans trop se poser de questions.
– Ça me permet d’introduire le deuxième intérêt du film. La scénariste a dit avoir voulu faire ce film car il n’y avait aucun portrait d’adolescente comme Juno dans le paysage cinématographique américain. Et d’un sens, les personnages qui gravitent autour d’elle sont tous très justes et cohérents. Au départ, on voit le stéréotype qu’ils incarnent, puis une faille permet de saisir leur réelle essence. Ainsi, Jennifer Garner, idéale Bree Van de Kamp en plus jeune, insupportable de perfection, apparaît simplement comme une femme qui veut être mère, no matter what.
Pour finir, le personnage-titre, Juno, sans doute le moins crédible du film, n’apparaît in fine que comme ce qu’elle est depuis le début. Une adolescente, que sa grossesse propulse dans un monde de grands qui n’est pas (encore) pour elle. Une adolescente contrainte d’assumer les conséquences de ses actes (que ce soit coucher avec le voisin et se retrouver en cloque, ou simplement dragouiller le futur papa adoptif de son môme). Au départ, elle croit pouvoir jouer dans la cour des grands, prendre sa grossesse à la légère, avoir suffisamment d’assurance pour assigner à chacun une étiquette “cool”/”uncool” et délaisser les ados, avoir suffisamment d’esprit critique pour s’intéresser au rock des années 70, etc. Comme les grands, quoi. Sauf que c’est pas ça, être grand. C’est ce qu’elle comprend, et nous avec elle. Son vrai cheminement dans ce film n’est pas celui qui la conduit à l’accouchement, mais celui qui la conduit à accepter de n’être qu’une gamine de 16 ans amoureuse d’un gars accro aux Tic Tac parce qu’il est “the coolest guy”. Accepter que ce n’est pas sa place de jouer les mamans avant l’âge, de même que l’adulescent trentenaire fan de films d’horreur passe de l’estampille “mec sympa” à l’estampille “blaireau immature” (il a des délires de gosse de 16 ans, merde)… Finalement, elle est bien plus à sa place à fredonner un refrain cheesy de pop ado avec son copain qu’à materner un bébé non désiré.
Tu vas crever Lil’Virgo et tu regretteras pas ce monde de merde, passque dans le paradis où t’iras les martinis on ze rocks sont bons pour la santé et la ligne et font les dents blanches, et y a pas trop de monde dans les rues, bien qu’il fasse très beau, et les boutiques sont pleines de vêtements sympas bien coupés et pas chers, et les relations entre les hommes et les femmes et même entre les gens en général sont totalement dépourvues de non-dits, de tensions ou de méfiance.
Voilà, il est 17H15, c’était une vision fulgurante et conjoncturelle du Paradis.