Paris, Long Island.

Quatre ans après avoir quitté ma colocation brooklynite (je ne me résous pas à utiliser le “brooklynois” français, c’est moche), je combats chaque jour le risque traumatisant de devenir parisienne (mon pire cauchemar, après celui d’avaler une araignée dans mon sommeil). Cynthia s’est enfoncée dans le cliché  hipster (si cliché qu’il n’a plus rien de hipster, je crois bien, c’est dire) et Shanna est mariée à un avocat, a quitté son boulot pour élever sa fille de maintenant 2 ans dans une sympathique ville côtière de Long Island, ce genre de ville qui ressemble à s’y méprendre à Capeside, pour les nostalgiques de Dawson. Si on m’avait dit ça, en juin 2009, quand je finissais de boucler mes valises pour refermer ma porte au 21B, Judge Street et qu’on allait vider des pintes de Yuengling pour fêter ça à Harefield Road, notre QG d’alors…

On est toutes les trois devenues des clichés in our own minds, et, la distance aidant, forcément les liens s’étiolent. Pourtant, Shanna vient de réaliser un de mes rêves les plus chers en m’invitant à rejoindre son club de lecture à distance (comme quoi j’ai des rêves assez simples). D’ailleurs, je m’explique assez difficilement cette fascination que j’ai pour les clubs de lecture, tant le sous-texte qui en accompagne le principe est neuneu comme il faut. Car il ne suffit pas d’aimer lire, oulà non. Il y a tant de façons d’apprécier le plaisir du texte à côté de cette forme très précise de sociabilité que finalement, dans le cas du book club, les livres lus ne sont qu’un élément parmi d’autres à l’édifice – un édifice girlisant à mort, finalement. C’est que le concept du club de lecture est autant une démarche de lecture que d’écriture de soi – par le choix des livres lus, nécessairement à haute teneur éditoriale, par la façon de les commenter mais aussi par l’image qu’on cherche, plus ou moins consciemment, à créer de soi, un bouquin à la main, une boisson dans l’autre. Une rêverie communautaire, en quelque sorte. Le lifestyle qu’on associe à cet être-étant de “groupes de gens (souvent des femmes) aimant lire” a quelque chose de charmant sans que je puisse rien y faire (c’est mon côté radasse-à-Gilmore-Girls, ça, encore).

Voyez plutôt, pour préparer le terrain et parce qu’il fallait bien trouver une paire de role models, Shanna et ses copines se sont mises à compiler tout un tas de photos très “reading is sexy” dans l’âme parce que, bon sang, qu’est-ce que c’est niais, mais qu’est-ce que c’est agréable, aussi. Ainsi a fleuri tout un mur de photos postées par chacune, qui de Natalie Wood lisant du Tom Wolfe à Dennis Hopper, qui de Marilyn lisant Joyce, “il ne lui manque qu’un verre de vin dans la main, bon sang” a d’ailleurs légendé Frances, une des participantes au club.

readingissexy

Mes contributions sont pourvues de Brigitte Bardot et Françoise Hardy, étant la resident Frenchie du groupe.

La seule bévue à ce grandiose projet, son intitulé : Shanna a baptisé son book club… “geek chic”. Ca la fout mal en termes de galvaudage. Sauf que. Sauf que.

En fait, Shanna avait toujours considéré le terme geek, comme toute Américaine (Jersey girl de surcroît) qui se respecte, comme renvoyant au loser du lycée, le blaireau à lunettes et sans vie sexuelle auquel elle voulait surtout pas s’associer, même quand elle me disait qu’elle était première de sa classe (elle employait le terme “nerdy” mais pas “geek”, oulà non, surtout pas). J’avais donc entrepris, il y a bientôt 5 ans, et ça nous rajeunit pas vraiment, de lui expliquer l’interprétation qu’on en avait fait depuis, geek is chic & all that jazz. Elle avait applaudi des deux mains et repris une lampée de ce rouge portugais pas si dégueu à pourtant 8$ seulement la bouteille dans un wine shop plutôt chouette sur Lorimer et Grand. Ensuite, Cynthia (l’autre colocataire) m’avait demandé de me taire, parce que Sookie Stackhouse avait commencé à parler et Cyn’ était pas souvent silencieuse, mais Gossip Girl et True Blood étaient deux de ses motifs principaux de mutisme. Faut croire que l’amusement de se voir expliquer un terme de sa langue maternelle et de son expérience lycéenne par une Européenne légèrement imbue d’elle-même a continué d’amuser Shanna.

Du coup je me sens un peu mère du truc, et ça compense un peu.

Première étape, donc : After Visiting Friends de Michael Hainey.

Je vous raconterai.

Des classeurs et des femmes.

Cette nuit/hier soir, lors du deuxième et dernier débat présidentiel opposant Barack Obama à Mitt Romney, la running-joke de cette campagne (un peu déprimante jusqu’ici) a enfin été trouvée. Il y a quatre ans, souvenez-vous, “Joe le Plombier” avait un peu volé la vedette au reste de la population américaine et était devenu un des hits de Halloween. Cette année, Mitt Romney s’emporte dans une démonstration quelque peu phallocrate sur les femmes qualifiées qui n’osent pas se présenter à des postes à haute responsabilité dans son administration. Une phrase en entraînant une autre, au lieu de parler de “classeurs remplis de CV de femmes”, il évoque des “classeurs remplis de femmes”. Une vanne en entraînant une autre sur les réseaux sociaux, “Binders Full of Women” devient rapidement un meme, including le tumblr afférent, http://bindersfullofwomen.tumblr.com/. Alors forcément…

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Typologie du succès à peu de frais sur Tumblr.

– le pied de la lettre (faudrait faire un article entier consacré à l’usage de l’adverbe “literally” par les américains) – une litanie de collages plus ou moins bien faits de photos de classeurs prises sur les sites de Staples ou de Office Depot, assorties d’un commentaire ricaneur, ou comment l’humour de niche de l’internet s’avère accessible aux moins doués des photoshoppers. C’est pas toujours très joli, mais c’est souvent là que se loge l’originalité du trait d’esprit.

Parmi les réguliers de Twitter, Tumblr et consorts, c’est autre chose:

– La blague Captain Obvious – celle faite par 95% des téléspectateurs, et qui représente environ 72% des memes postés sur le site participatif. Les gros hits de Binders Full of Women ? En vrac : Beyoncé et un détournement de son Single Ladies, à base de “if you like it, you should put three rings on it”, tout ce qui a trait de près ou de loin au Seigneur des Anneaux (pour les 3 anneaux du classeur, n’est-ce pas… get it? djeez). A coup sûr, ces gens-là viennent de Twitter.

Heffner’s Binders

Je suis tout de même surprise du faible nombre de renvois à la figure emblématique du classement de femmes sur papier glacé, à savoir Hugh Heffner. J’ai même vu plus de binders full of Carly Rae Jepsen (alors que srsly dude, ça fait si longtemps qu’on a dit qu’elle était elle-même devenu un running gag que c’en est même pas drôle)

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– Le méta-tumblr – La référence à d’autres tumblr à succès, surfant sur une vague déjà bien haute “McKayla is not impressed” (d’après McKayla Maroney, cette gymnaste ayant raté l’Or aux JO et ne cherchant même pas à cacher sa colère sur le podium), mais aussi, naturellement, “Feminist Ryan Gosling” et “Texts from Hillary Clinton“. A coup sûr, ces gens-là ont un tumblr.

Cuter than a puppy

♥♥♥♥♥

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les rage comics, memologie classique, que les adeptes de 4chan maîtrisent forcément mieux que toi ou moi (surtout moi).

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– la référence pop culturelle faisant vibrer. Ah oui, des filles, des classeurs, de l’amour, comment ne pas…

le Burn-book de Regina George

Lloyd Binder, génie total

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– Mais puisqu’on est entre nous et qu’on se dit tout, mon préféré revient au meilleur d’entre nous tous :

silverfox

Oh Anderson, honey…

 

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Je dois me déguiser en meuf de droite pour Halloween. J’étais partie sur une idée (ô combien américaine) de “slutty meuf de droite“. Je suis à ça de découper des bouts de carton pour me faire un classeur-pagne.

Super Mario entre en politique

Electoralisons un peu (pour changer).

Je sais pas si vous vous êtes déjà demandés à quoi correspondaient les symboles des deux grands partis américains. Pour nos lecteurs anglophobes, électophobes, étrangers à ce monde, et/ou considérant que la prochaine actu vraiment politique, c’est la collection “Comme des Garçons” chez H&M, topo.

– le “Grand Ol’ Party” assume un sympathique symbole que nous qualifierons d’éléphantesque :

– les démocrates, de leur côtés s’identifient assez souvent à… un âne. Ouais, d’un coup, la croix de Lorraine du général, ou la rose de Tonton, ça fait vachement plus classe, vous croyez pas? Eh bien détrompez vous, car le democratic donkey, quelque part, c’est un peu ça :

J’avoue que la référence toute disneyenne à Bourriquet contribue à décrédibiliser le symbole, mais franchement, il est pas trop chou??? (oui, mon vernis aussi défonce, ça tu peux le dire)

Alors du haut de ma frenchness toute ignare, je me demandais à quoi ça pouvait bien correspondre. Parce que avoue que quand on te parle éléphant, tu penses “immobilisme, sourd, peur des souris”. Pas super ruling the world-friendly, quoi. Et quand on te parle donkey, tu penses “Winnie l’ourson, Shrek, con comme un balai”. Et quelque part, c’est pas faux. Continue reading