L’an dernier, lors du concert de réunion de Take That, il s’agissait pour le boyband briton de rendre hommage au British Hall of Fame. Je passe sur leur Medley des Beatles, c’est mieux pour l’humanité (et pour leur dignité). En bons mancunians (habitants de Manchester, pour les anglophobes incultes qui nous lisent), ils se devaient de saluer Joy Division (là, au niveau de l’enchaînement, vous aurez compris que Joy Division était un groupe originaire de Manchester).
Lorsque que Mark Owen reprend Love Will Tear Us Apart, le scandale intervient : le mignon nabot mime un mec pendu. Car oui, Ian Curtis s’est pendu à 23 ans.
Pourtant, reprocher à un Briton de faire preuve de mauvais goût, c’est comme reprocher à un Péruvien d’écouter du reggaeton… Bref. En plus, ça dénote un certain humour qu’on n’attendait plus vraiment de la part de nos gendres idéaux préférés.
Curieusement, cette anecdote n’est pas présente dans le biopic sur Iain Curtis, Control. Il y a néanmoins pas mal d’autres choses coules qui font que, malgré tout, c’est un chic film. Tourné comme un clip du début des années 80, le noir et blanc esthétisant n’est pas agaçant ici, et c’est suffisamment surprenant pour mériter une remarque. Par ailleurs, c’est l’histoire d’un jeune mec, qui prend trop tôt des décisions qu’il regrette, qui est partagé entre 2 femmes, qui peu à peu sombre dans la maladie et la dépression… Et pourtant, non, c’est pas d’une “descente aux enfers” qu’il est question ici. C’est juste l’histoire d’un mec qui aime Bowie et qui comprend assez peu ce qui lui arrive.
Si j’avais été hype, je vous aurais proposé un truc un peu fonk, ou un genre de hiphop, de chose musicalo-dansante de qualité, née dans les années 70 qu’il est de bon ton de redécouvrir dans un souci du vintage absolu. Bon, c’est le créneau de ma pote Maud. Si j’avais été torturée, j’aurais partagé un bon vieux classique des années 60/70/80 pour vous montrer l’étendue de ma culture musicale. Si j’avais voulu faire kitsch, je vous aurais dépoussiéré je sais pas quoi des années 80. Ouais, je l’ai déjà fait. Et remarquez, bande d’ignares sans profondeur chronologique, que j’ai toujours ressorti des choses de qualité plus que supérieure.
Je vais pas déroger à cette règle, mais dans les années 90. L’exercice est plus ardu. Mais je suis une vraie, et je vous le prouve.
The boyband, a History. Les blaireaux passeront leur chemin. Les puristes diront NKOTB (New Kids On The Block, ndlr). Moi je dis Take That. Parce que british (et qu’est-ce que je n’arrête pas de dire? Le boyband n’est et ne peut être que british!). Avec la culture de l’extrême et du bad taste occasionnel subséquente. Parce que en pleine puberté (oui, les New Kids, ils avaient vaguement 13-14 ans, paye ton fantasme). Le plus jeune, Robbie, avait 16 ans révolus, c’est déjà pas mal. Maintenant, il roule des pelles à ses fans lors des concerts. Note pour plus tard : Fanny, Knebworth est l’endroit ultime des concerts de la vie d’une manière générale.
On distingue communément deux éléments constitutifs à l’art musical du boyband. L’incitation à l’entertainment et la captatio benevolentiae construite autour de sentiments forts. En d’autres termes : dance pourrie à chorégraphie prémachée, et slows-tabourets. Deux choses définies par le parcours des Prends Ca (aka Take That pour les merdophobes qui suivent pas). Ben oui. Ils ont suivi la règle d’or du succès pour un mâle. 1/ Plaire aux pédés. 2/ Plaire aux ovaires. 3/ En route pour la gloire. Pour plus d’infos sur cette règle d’or, voir Sex and the City, Saison 6, épisode 6, Une Star est née. Samantha à Smith Jerrod.
Etape 1, plaire aux pédés. C’est dur à regarder jusqu’au bout, mais faites l’effort, on en sort grandi.
Notez les couleurs flashy (1990 oblige), même le blanc est flashy et agressif ici, les costumes moulants tendance kitsch soulignant de manière suggestive les parties génitales (téma les zlips moule-bite), les clous, les franges, le sky (ouais, m’étonnerait que ce soit du vrai cuir) et le côté jeune innocent imberbe et immature qui ne demande qu’à être déniaisé (pluggé, ça dépend du point de vue). Ca termine à poil en combat de bouffe, c’est beau, on aime. Après, c’est chacun son style : le crypto Billy Idol mou du menton, le petit minet à bandana (qui ferait penser à Brandon Walsh au niveau de la personnalité), le petit rigolo à casquette (eh ouais, il jouait la carte de l’ambiguïté sexuelle avant de lécher la glotte de ses fans sur scène, putain je m’en remets pas), le breaker sorti d’un clip de Benny B, d’ailleurs, on en a même deux pour le prix d’un. Bad taste, jelly food, muscles saillants, jolies fesses montrées pour créer le scandale. Notez qu’à la fin, Robbie écarte légèrement les jambes, et que si on avait une image de meilleure qualité… La recette est rodée, efficace, les folles de Manchester sont ravies. Seulement voilà. Quid de l’adolescente?
Etape 2, plaire aux fifilles.
Retournement de veste. Inversion du style, mais pas complètement. Là, on passe à la deuxième étape de l’esthétique clippesque des années 90, celle où les années 80 sont rejetées sans complexes. Le noir et blanc/sépia. Nos amis Prends Ca ont donné à fond les manettes dans le N&B/sépia : à vrai dire, tous leurs clips, c’est ça (je sais de quoi je parle, je viens de TOUS les regarder, et oui, vous pouvez me jeter des tomates pourries au visage). Comme je suis sympa, je vous mets la plus écoutable, et l’une des dernières, histoire d’illustrer la chose.
Merde, je trouve cette chanson sincèrement très bien écrite… Remarquez quand même le gars qui danse en haut noir moulant transparent sous la pluie… avec une chapka, oui oui oui, vous m’avez bien lue, une chapka. Le regard est perdu, la mélancolie se lit sur leurs visages graves (en vrai, défoncés à la coke, mais ça, l’histoire ne le dit pas), trois accords pourris sont joués sur guitare sèche pour celui qui sait toujours pas chanter, c’est lacrymogène à souhait. Bref, ça a marché. Le groupe a atteint sa “maturité musicale” (comprendre : ils n’ont plus besoin de se désaper pour se vendre, et ils peuvent peut-être même espérer faire oublier leurs débuts pour gagner une crédibilité dans le business). Y a de la ballade, des vraies paroles, vraiment écrites par un vrai membre du groupe (celui qui est vraiment mou du menton). On en vient même à les appeler les “fab five”, et à les comparer aux Beatles (ça fait mal, hein?). Nos adolescentes sont heureuses, leurs culottes sont dévastées (copyright Nina), et quand, 6 mois plus tard, le groupe se sépare, il faudra mettre au point un SOS détresse TT pour les plus désespérées d’entre elles. La gloire était là.
Alors pourquoi parler de Prends Ca, ici? Qu’on ne sait plus qui ils sont depuis 10 ans? Que Robbie, certes, il est sex, mais on se dit que les autres, ils doivent faire la tournée des Boots d’outre Manche pour retrouver un soupçon de leur gloire d’antan? Eh bien, cher lecteur et ami, pour deux raisons. Déjà, les Prends Ca ne font pas la tournée des Boots, mais bien des stades géans (tournée souvenir cet été, les amis), et ils sont à guichets fermés en quelques minutes. Comme U2. Comme Madonna. Comme les Pixies (pitié pas taper!). Et surtout surtout, ça fait maintenant presque une semaine que je suis en régression adolescente. J’ai tout repassé en revue de ce qui nous ravissait sur Fun Radio et sur NRJ dans les années 90 première version (je parle ici bien entendu de Pop, donc exit Nirvana et compagnie, hein). J’ai revu des extraits de Dance Machine. Des clips de 2 Unlimited (très grands esthétiquement, regardez No Limit). Téléchargé La Bouche. Redécouvert Boyzone. Finalement, ressorti Morning Glory (presque une larme à l’oeil quand même) et mes CD des Cranberries, faudrait voir à pas trop déconner non plus (un peu de name-dropping n’a jamais fait de mal, qu’on se le dise).
Bon mes amis, j’en déduis une chose. Take That, c’était géant. Et de qualité assez supérieure. Dans un style. Dans le trash. Dans le sucré (diabétiques s’abstenir). Efficace. Massif. Inégalables. Jamais complètement égalés d’ailleurs, y a qu’à voir la vague de boybands à laquelle ils ont donné naissance après leur séparation (perso, je trouve ça très en-dessous). Pourquoi? Parce que, première chose, les cinq sont pour de vrai beaux. Voire musculairement canons. Et quand on regarde les autres boybands, en particulier les français, on voit à quel point c’est une gageure. De quoi générer le consensus. Deuxième chose, ils ont testé les recettes pour plaire au public et vendre un maximum de disques en un minimum d’efforts. Les autres, ils ont rien fait qu’à les reprendre couillonement, donc forcément, c’était moins efficace. Troisième chose, ils ont été les premiers à cultiver à fond leur image publique de gentils garçons. En gardant un certain humour. C’est con, parce que le second degré a pâti de leur phase “plaisons aux gonzesses”, mais c’est quand même toujours présent à la fin. Ce qui n’est pas le cas des autres, en général. Ca, c’est le british-style, je dirais.
Bref, c’était les Spice Girls, en mecs, et avant. Donc too much, daté, ringard, commercial. Bref, très très grand.
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Putain, faut que je ressorte mes cd de Led Zeppelin de toute urgence, sinon, ma cause est définitivement perdue pour le rock. Et par ailleurs en outre, je suis bien contente que mon frère n’ait pas l’adresse de ce blogue…