L’esprit rock.

Quand on se promène dans le quartier hippie de San Francisco, on voit deux avatars du Summer of Love s’affronter.

Les basiques sont toujours là: en descendant Ashbury, on continue de voir un peu toutes les deux maisons un lieu de mémoire d’overdose de rocker, les Grateful Dead ici, Janis Joplin là. En tournant sur Haight Street, la boutique Amoeba Music propose des affiches colorées vintages du Summer of Love moyennant quelques centaines de dollars, et à Wasteland, on peut faire les fripes sur fond de Led Zeppelin et de Van Morrison pour dénicher des trucs de créateurs cools dans les 20-50$ parmi des rayonnages chatoyants et extravagants. L’esprit des années 70 est toujours là. Yet it takes a lot of money to look this authentically poor, man.

Pourtant, l’esprit du rock n’est pas complètement mort non plus, c’est juste qu’il chatoie moins. De l’autre côté des vitrines des boutiques, ils sont là, leur backpack à côté, certains attendent la distribution de couvertures (les nuits sont fraîches en NorCal) et se fringuent à l’Armée du Salut (how Tavi Gevinson of them). C’est-à-dire que quand on parle de weed, de guitare, de barbe, de cheveux au vent, d’esprit libéré et d’hygiène collective, de nos jours, les référents ont un peu dévié.

Les yeux pleins des images de la campagne Fashion Against Aids/H&M avec Lou Doillon et Elizabeth Jagger, on arrive sur Hippie Hill dans le Golden Gate Park pour se rendre compte qu’en 2010, le hippie 2.0, c’est beaucoup moins flower power, et beaucoup plus punk-à-chien, en fait.

Gasp.

What would Harvey do?

OK, je viens de trouver dans quel univers parallèle je pourrais aller voir Sex and the City au cinéma.

Ce serait pour voir ce qui se passe derrière les portes du Castro Theater, parce que j’espère que, à la manière d’une projection du Rocky Horror Picture Show, le public va se travestir en Samantha Jones ou mimer les soubresauts offusqués d’une Charlotte York.

Ça m’emmerde, c’est un peu renoncer à tout ce en quoi je crois, mais passer à côté du bâtiment totémique du Castro, c’est un peu passer à côté de l’identité du quartier. C’est un vrai dilemme, parce que c’est ce moment où la chose la plus beauf du monde pourrait soudainement devenir the next big thing. Dans ces cas-là, il faut se demander ce qu’aurait fait Harvey Milk.

Le Castro, contrairement aux autres quartiers gay que j’ai pu voir ailleurs, apparaît vraiment comme une enclave territoriale.  Continue reading

Cal

L’une des expériences canoniques du tourisme, quand on découvre un nouvel endroit, c’est la confrontation entre le cliché et la réalité. Et c’est souvent amer. Les manhattanites n’ont pas de si jolies chaussures en vrai, le château de Versailles n’est pas meublé, la fontaine de Trevi est beaucoup trop peuplée pour jouer à la Dolce Vita… Bref, quand on part, on a toujours l’appréhension d’être déçu (par exemple, j’ai très peur d’aller un jour sur la muraille de Chine et d’y voir des boutiques vendant des murs miniatures made in China au lieu de vieillards vénérables souriant au soleil du matin).

Bref, si vous pensiez que la vie en Californie pourrait très bien se résumer à être cheveux au vent, les yeux dans les palmiers à bord d’une décapotable vintage sur une route côtière baignée de soleil…

… eh bien vous auriez salement raison.

A la limite, la rupture de cliché ici, c’est que ça marche aussi en NorCal.

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La prochaine fois, nous verrons que les gens mettent aussi des fleurs dans leurs cheveux, qu’ils peuvent se promener semi-nus dans les rues, qu’ils aiment leur prochain comme à l’été 69, mais qu’en revanche, ils écoutent autant Biggie que Tupac.