Conquest of Paradise

Un regard comparé sur l’Amérique de Hart of Dixie et celle de Once Upon a Time.

J'ai toujours su que le Chaperon Rouge avait tout fait pour allumer le loup. Djeez, what a slut...

Ces deux shows qu’a priori tout oppose (surtout le parti-pris CW-slash-pupute vs. le parti-pris ABC-slash-auteurs-de-LOST) mettent en oeuvre un ressort narratif de plus en plus fréquent désormais en Amérique.

Si l’un se passe dans le Sud de l’Oncle Tom et de Dolly Parton, l’autre se passe dans le nord-Massachusetts, les deux ont pour principe fondateur l’idée selon laquelle le pire enfer sur terre serait de se retrouver coincé dans une bourgade proprette états-unienne.

Ergo, Bluebell, Alabama / Storybrook, Massachusetts / Mogadiscio, Somalie : même combat, en fait. Ça donne des envies de “bitch, please”, j’en conviens.

Dans Hart of Dixie, Zoe Hart, une wannabe-chirurgienne en Louboutins se voit contrainte de quitter son Manhattan adoré pour s’installer dans une bourgade “typique” du Sud des Etats-Unis, Bluebell, Alabama. Il s’agit d’une de ces énièmes productions CW pour adolescentes nubiles, et c’est vendu en package avec les abdos du cast masculin + les mini-shorts de l’héroïne (qui se trouve être Rachel Bilson, it-girl chérie de ceux qui ont chialé leurs adolescence devant The O.C./Newport Beach).

Tout y sonne faux, des décors factices (“la place du village”, piquée à un décor de Gilmore Girls, “le cabinet médical”, pris aux sœurs Halliwell dans Charmed “le bayou”, récupéré dans la poubelle des décors de True Blood, etc.) au fake accent horrible de la blonde qui joue Lemon Breeland, la nemesis de Zoe Hart. Et pourtant, au milieu de ces intrigues prévisibles et téléphonées, quelque chose prend, sans trop qu’on comprenne pourquoi (mais c’est la définition-canon du concept de guilty pleasure, ce me semble).

C’est ce qu’on appelle l’effet Gilmore. Un des plus fameux succès télévisuels des années 2000, Gilmore Girls s’était bâtie sur deux éléments: l’écriture du show (le niveau des dialogues n’a jamais vraiment été égalé depuis) et l’atmosphère provinciale américaine qu’elle véhiculait, de façon assez novatrice pour l’époque. Une des prouesses de Gilmore Girls était en effet cette faculté à susciter la familiarité avec la culture américaine profonde (profonde Connecticut, mais tout de même); on découvrait une autre idée de l’Amerique, ni redneck, ni urbaine, et l’impression de confort qui s’en dégageait provoquait de violents désirs de Green Card. Depuis, chaque année, une ou deux séries tentent de réitérer l’exploit, sans trop de succès, mais toujours avec le même présupposé: cette Amérique provinciale est la raison d’être de 4 siècles d’histoire.

Ainsi, dans cette démarche de plus en plus fréquente depuis la fin de l’ère Reagan, puis de l’ère Carrie Bradshaw, Hart of Dixie cherche à nous vanter les mérites de la province contre la grande ville, et Zoe Hart est vouée à baisser peu à peu sa garde et à apprécier l’atmosphère smalltown sudiste de sa contrée d’adoption. Ce n’est un enfer sur terre que le temps d’un préjugé citadin, en somme.

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Au contraire, les épisodes de Once Upon A Time rivalisent d’ingéniosité pour développer un discours incroyablement doux-amer et mélancolique sur ce même rêve américain.

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Empire? Post-Empire?

Ayant pourtant un avis sur tout, encore plus quand je n’ai pas vu ce dont je parle, je n’arrive pas à savoir pourquoi je veux voir The Artist. C’est typiquement le genre de film beaucoup trop hypé, au point d’en être inquiétant. Précédé d’un marketing hardcore dit “de Grand Journal”, toutes les étapes de la blockbusterisation à la française ont été respectées. Comme en plus Dujardin a reçu un prix d’interprétation à Cannes, c’est comme si les 5 ans que t’as passé à te bidonner devant 1 Gars, 1 Fille avaient été adoubés par De Niro lui-même. Duj’ a eu un honneur encore plus grand: être le parrain du Grand Journal, début septembre. Deux mois avant la sortie du film, on avait donc déjà droit à la litanie du “script exceptionnel, projet fou, rôle impossible à refuser”. A quoi il a fallu ajouter les points “envie profonde”, “audace incroyable” et “Thomas Langmann”.

Si si, audace et Langmann dans la même phrase. Pour parler d’un film muet et en noir et blanc. Oh c’est si perturbant… Alors je l’ai pas vu en avant-première, mais ce projet m’intrigue, tellement j’ai envie d’adorer et de détester ce film en même temps (le tumulte intérieur, le “conflit”, comme dirait Luke Skywalker à son papa). Voyons donc…

Le film rend hommage au Vieil Hollywood, et pourtant, sa sortie après un été de superhéros dont les muscles bandés et magnifiés par la 3D force le spectateur à un aplatissement chronologique étonnant. Les critiques sont unanimes et les revues de mode se gargarisent de la beauté plastique du projet, Pandora y a même consacré un ou deux posts, je n’invente rien.

Quelle audace y a-t-il donc à faire du cinéma muet, as of 2011, alors que c’est un genre censément obsolète et révolu, à l’ère du numérique, de la 3D et des écrans verts? Simple nostalgie plastique pour le rétro et le désuet, ou discours sur le cinéma populaire?

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